Dans les imaginaires, le métier de communicant brille d’une aura singulière : créativité bouillonnante, coulisses d’événements clinquants, et cette capacité magique à tisser des récits fédérateurs. Pourtant, derrière les projecteurs, se joue une toute autre partition. Siliki Ngosso Nsangue, forte de vingt-cinq ans de métier, lève le voile sur une réalité plus nuancée, faite de solitude, de combats invisibles pour faire valoir son expertise, et d’une injonction permanente à se réinventer. Avec une plume intime et lucide, elle raconte l’usure autant que la résilience, et nous invite à réfléchir sur ce que signifie durer dans ce métier où la passion est un carburant, mais aussi parfois, une épreuve.
Les défis qui nourrissent notre créativité
Notre métier repose sur l’excellence opérationnelle, un souci du détail, une bonne dose de culture générale et des relations humaines gérées avec diplomatie.
Je me souviens de cette période où je travaillais pour un opérateur de téléphonie mobile. Un samedi : castatrophe ! Notre principal concurrent venait d’afficher une campagne sur un service que nous comptions lancer le lundi d’après. Le bureau de notre directrice s’est immédiatement transformé en QG de crise et tout le week-end, nous avons ensemble planché pour trouver une solution pertinente à cette situation. Ce sont ces moments de montée d’adrénaline qui forgent les équipes les plus soudées. Et d’ailleurs, quelle autre profession offre cette montagne russe émotionnelle qui, avouons-le, devient addictive avec le temps ?
La solitude du stratège
Paradoxalement, nous qui créons du lien sommes souvent les plus isolés. En comité de direction, malgré nos efforts pour parler le langage des chiffres, nos KPIs ne bénéficient jamais du même crédit que les métriques financières. Et que dire des notions d’image et de réputation ? “C’est bien joli tout ça, mais ça rapporte quoi concrètement ?” Cette solitude professionnelle est l’un des aspects les plus difficiles à gérer.
Je me souviens encore de cette lutte pour faire valider la retraite stratégique annuelle de mon équipe (marketing & com), jugée “accessoire” par mon DG. “Est-ce vraiment nécessaire d’aller réfléchir au vert pendant deux jours ?” Pendant ce temps, les autres directions partaient en séminaire pour des sessions qu’elles auraient pu organiser au bureau, tant qu’à faire. Frustration maximale !
Mais c’est aussi dans ces moments de plaidoyer pour notre métier que nous affinons nos talents de conviction et de négociation – compétences précieuses qui enrichissent notre expertise. L’année suivante, j’ai finalement eu gain de cause.

L’art subtil de faire comprendre notre expertise
“La communication, c’est pas bien compliqué, non ?” Généralement prononcé juste avant la transmission d’une demande de travail la veille pour le lendemain. Cette méconnaissance de la complexité de notre travail nous contraint à des délais impossibles et des nuits blanches que même le meilleur fond de teint ne pourra masquer le lendemain.
C’est à ce titre que Martine Koffi Studer explique que “les professionnels de la communication sont comme des traducteurs culturels – ils doivent comprendre le langage du business, de la créativité et du consommateur. Ce qui semble simple est en réalité une alchimie complexe d’analyse, de stratégie et d’intuition.” Toutefois, cette situation, bien que parfois frustrante, est aussi ce qui rend notre métier si riche : nous sommes constamment dans la pédagogie, l’explication, la démonstration. Et quelle satisfaction quand les résultats parlent d’eux-mêmes !
Se réinventer : le privilège du communicant
L’une des plus grandes richesses de notre métier, c’est cette capacité unique à se réinventer en permanence. Comme le dit si justement Fabrice Sawegon : “Un vrai communicant est comme un phénix : ce sont les moments les plus difficiles qui lui permettent de se réinventer avec plus d’éclat. Nous sommes les artisans d’une métamorphose permanente, pour les autres comme pour nous-mêmes.”
Quand on sent les premiers signes d’usure ou simplement l’envie d’explorer de nouveaux horizons, voici quelques pistes passionnantes :
– La voie du conseil indépendant : attention toutefois à ne pas tomber dans la sollitude professionnelle.
– La formation et le mentorat
Transmettre son savoir-faire à la génération “digital native” est une expérience profondément gratifiante qui requiert toutefois beaucoup d’humilité ( voir leurs yeux s’illuminer quand vous partagez votre expérience de gestion de crise d’avant les réseaux sociaux a quelque chose de magique Vs quand ils vous expliquent avec tellement d’évidence le fonctionnement de Tik Tok).
– La spécialisation sectorielle
Se concentrer sur un secteur spécifique permet de développer une expertise valorisée et de réduire votre dispersion mentale. J’ai vu des collègues passer de la communication généraliste à des domaines comme la santé, la tech ou le développement durable avec un regain d’énergie impressionnant.
– L’entrepreneuriat dans la communication
Créer sa propre structure avec ses valeurs, c’est la version professionnelle de “si tu ne peux pas changer les règles, change de jeu”. Cependant, vous comprendrez enfin pourquoi vos anciens chefs étaient si obsédés par la rentabilité.
– La reconversion parallèle
Certaines compétences du communicant sont particulièrement appréciées dans d’autres secteurs. Le storytelling en coaching, la gestion de crise en médiation, l’analyse stratégique en conseil… Ces passerelles permettent de capitaliser sur votre expérience tout en découvrant un nouvel environnement.
La flamme intacte
La communication est un métier exigeant, certes, mais qui offre aussi le privilège rare de pouvoir se réinventer constamment, de vivre des expériences uniques et de contribuer directement à la construction d’une image, d’une marque, d’une réputation. Notre force réside dans cette capacité à transformer les défis en expériences, la pression en expertise, et chaque projet en nouvelle aventure.
Pour ma part, j’ai la communication dans la peau, une vocation si forte qu’elle m’a fait interrompre mes études de médecine en fin de 3ème année. Cette passion viscérale ne s’est jamais éteinte en près d’un quart de siècle en entreprise. Aujourd’hui, je continue à la cultiver à travers mes consultations et ma vie d’entrepreneure culturelle.
Comme le dit Frédéric Fougerat, “La communication est à l’entreprise ce que le système nerveux est au corps humain : invisible mais vital.”
Dans la communication, on ne s’use pas, on se transforme – à condition d’accepter que prendre soin de soi est aussi un investissement professionnel. Et si la communication était finalement le métier le plus complet qui soit ?