Elle n’avait pas prévu de faire carrière dans la logistique. Laetitia Mambo voulait être commerçante, voyager, acheter et revendre de la marchandise. Mais un conteneur disparu, des dettes à éponger et un système opaque l’ont contrainte à comprendre les rouages du métier plutôt qu’à subir. De fil en aiguille, elle se forme sur le terrain, aux côtés de l’ami de son oncle à l’aéroport de Nsimalen, et plonge dans le monde du transit et du dédouanement.
En 2013, elle lance sa boîte de transit (Sun 4 Bright Sarl) et s’accroche tant bien que mal, mais en 2018, accablée par les difficultés, elle doit fermer. Déterminée à ne pas renoncer, elle profite de la crise du Covid pour relancer son activité et diversifier ses sources de revenus en ouvrant une entreprise de production d’aliments pour animaux (MAARIFA Sarl). Aujourd’hui, entre entrepreneuriat, production animale et logistique, elle trace son chemin avec une seule boussole : la résilience.
Bonjour LAETITIA. Que doit-on savoir sur vous et sur votre parcours (académique et professionnel) ?
Mon parcours académique est assez atypique. J’ai obtenu un probatoire D, puis le BAC A4, une licence en Gestion à Soa (l’Université de Yaoundé II, ndlr). Deux ans après, j’ai obtenu un Master en Organisations de la Net Economie et depuis 2 ans, je suis en cycle master en production animale.
J’ai ouvert ma boite de transit en 2013, j’ai tant bien que mal essayé de tenir, mais en 2018, j’ai été contrainte de fermer, trop de problèmes. Ce n’est qu’avec l’arrivée de Covid que j’ai relancé les activités jusqu’à ce jour. Je suis propriétaire d’une entreprise de production d’aliments pour animaux ouverte officiellement en 2020 et point focal de WILA à Yaoundé.
Qu’est-ce qui vous a attirée dans le secteur de la logistique ? Une vocation, un défi, ou simplement une opportunité que vous avez su saisir ?
Je me retrouve dans la logistique par un malheureux concours de circonstance. A l’origine, je pensais faire du commerce, voyager, acheter la marchandise, venir vendre, ce qui marchait plutôt bien jusqu’à ce que je charge cette fois un conteneur entier. Malheureusement qui n’est soit jamais arrivé au Cameroun, soit arrivé et détourné ? Bref, j’ai fait des mains et des pieds, mais je n’ai jamais pu ni le voir, ni le sortir.
Entre les crédits pris à gauche à droite, il fallait trouver une solution. Je me lance donc dans les recherches pour comprendre comment se passe le monde du transport (maritime), du transit, et du dédouanement. Alors j’ai commencé à l’aéroport à Nsimalen, j’assistais un tonton qui me montrait un peu de tout, et de fil en aiguille j’y ai pris goût, et je n’ai pas cessé d’apprendre. Donc j’entre dans ce monde-là beaucoup plus comme une justicière. Un monde qui va s’avérer très passionnant.
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On dit souvent que les femmes doivent en faire deux fois plus pour être reconnues à leur juste valeur dans ce domaine. Est-ce une réalité que vous avez vécue dans votre parcours ?
Il est vrai que notre milieu est fortement marqué par la présence masculine, mais je crois que la compétence prime sur ces valeurs-là. Dans ce milieu, la discipline, le sens du management, le sens de l’organisation, la proactivité, sont de mises. Je crois que ceci caractérisent très bien la femme, qui le fait déjà dans son quotidien.
Personnellement, le fait d’être une femme m’a plutôt ouvert plusieurs portes, car plusieurs ont voulu me donner la chance de m’exprimer et montrer ce que je peux faire.

Quelles sont, selon vous, les compétences et qualités indispensables pour réussir dans ce secteur au Cameroun ?
ll faut beaucoup d’endurance, savoir gérer le stress, être organisé, sociable et avoir un mindset solide.
Le secteur de la logistique est en pleine mutation avec l’IA, l’automatisation et les nouvelles technologies. Pour vous, c’est une opportunité ou une menace pour les professionnels du secteur ? Votre métier est-il en danger ?
En réalité, l’IA dans le transport et la logistique peut accroître l’efficacité des processus dans plusieurs domaines tels que l’approvisionnement et la distribution, en commençant par le suivi et la surveillance en temps réel des stocks dans les entrepôts… L’autre avantage aussi est que les risques de pertes, de gaspillage sont minimisés. Pour moi, je le perçois comme un avantage.
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Si vous deviez donner quelques conseils à une jeune femme qui souhaite se lancer dans la logistique, que lui diriez-vous ?
Je lui dirai de se lancer, comme tout dans la vie, rien n’est facile. Il faut juste mettre beaucoup de volonté et être RESILIENTE. Contrairement à plusieurs d’entre nous, nous n’avions personne pour nous tenir la main. Les choses sont plus faciles pour elles, car il y a dorénavant Women In Logistics Africa (WILA), dans plusieurs pays d’Afrique, elles seront très bien encadrées
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Pour finir, une question plus légère : si vous n’aviez pas travaillé dans la logistique, quel métier auriez-vous choisi, et pourquoi ?
Surement j’aurai été commerçante parce que j’ai toujours aimé ça, depuis ma tendre enfance