Longtemps perçue comme une affaire de techniciens, la donnée s’impose aujourd’hui comme un véritable actif de souveraineté. Dans un monde où la compétitivité se joue désormais sur la maîtrise et la valorisation de l’information, le Cameroun franchit une étape décisive.
Sous l’impulsion du GECAM — notamment à travers sa Commission Industrie — et avec le soutien de IIBA Cameroon, le pays s’apprête à publier un Livre Blanc et un Guide des Bonnes Pratiques sur la donnée, une première en Afrique centrale.
Pour en savoir davantage sur cette initiative inédite, nous avons rencontré Ibrahima Ousmanou, président de la Commission Industrie du GECAM. Il revient sur la portée stratégique de ce projet et partage la vision d’un Cameroun appelé à devenir une référence régionale en matière de gouvernance de la donnée.
Pourquoi la donnée est-elle aujourd’hui un enjeu stratégique pour la compétitivité des entreprises camerounaises et pour la gouvernance publique ?
La Commission Industrie du GECAM, que j’ai l’honneur de présider, travaille à moderniser notre tissu productif. Nous traitons des questions d’énergie, d’infrastructures, d’accès au financement, d’innovation. Aujourd’hui, il est évident que la donnée s’est imposée comme un actif stratégique, quasiment au même titre que le capital ou la main-d’œuvre.
Une entreprise qui maîtrise ses données connaît mieux ses marchés, optimise ses processus et innove plus vite. C’est une ressource décisive dans un monde où la compétitivité repose sur l’anticipation et la précision.
Pour l’État, la donnée est tout aussi essentielle : elle permet de bâtir des politiques publiques sur des bases solides, de comprendre les réalités du terrain et d’accroître la transparence. Voilà pourquoi nous affirmons que la donnée est désormais le socle de la compétitivité des entreprises et de l’efficacité des institutions.
” La donnée est au XXIe siècle ce que l’énergie a été au XIXe : le moteur de la compétitivité et de la souveraineté
Qu’est-ce qui a motivé le GECAM à lancer un Livre Blanc et un Guide des Bonnes Pratiques en 2025 ?
En observant nos filières industrielles, nous avons fait un constat clair : les données existent, mais elles sont dispersées, mal exploitées ou parfois inaccessibles. Cette fragmentation limite l’innovation et affaiblit la compétitivité. Nous ne pouvions pas rester passifs.
Le Livre Blanc a donc été conçu comme un outil stratégique. Il dresse un état des lieux précis, identifie les enjeux et propose des recommandations adaptées à notre contexte.
Le Guide des Bonnes Pratiques, lui, est un outil pratique. Il aide les entreprises, notamment les PME, à mieux collecter, protéger et valoriser leurs données. L’un inspire, l’autre outille. Ensemble, ils incarnent la volonté du patronat camerounais d’apporter des solutions concrètes.
Comment ce projet s’inscrit-il dans la vision globale du GECAM ?
Le GECAM a placé la transformation digitale au cœur de sa stratégie. La Commission Industrie agit comme une locomotive de cette vision. Avec ce projet, nous ne parlons plus seulement de digitalisation : nous donnons aux entreprises des instruments pour la réaliser.
Notre ambition est claire : amener l’industrie camerounaise vers une utilisation stratégique et innovante de la donnée. En 2027, nous voulons que le Cameroun soit reconnu comme un pays où l’écosystème industriel est véritablement “data-driven”.
“
Nous voulons bâtir une culture de la donnée qui profite autant aux grandes entreprises qu’aux PME, pour faire du Cameroun un leader régional
La Commission Industrie du GECAM s’est dotée d’une Sous-commission dédiée aux données, qui a pour rôle d’accompagner la réflexion stratégique des industriels sur l’accès, la collecte, la valorisation et la gouvernance des données.
Elle travaille comme un laboratoire au sein de la Commission : elle mène les diagnostics, identifie les outils et les pratiques existantes, propose des solutions adaptées au contexte camerounais et conçoit des projets pilotes.
En d’autres termes, elle donne corps à notre ambition en transformant une vision patronale en outils concrets au service des entreprises et de tout l’écosystème productif

Quelles synergies espérez-vous créer avec vos partenaires ?
Nous avons voulu que ce projet soit collectif. Le GECAM, à travers sa Commission Industrie, porte la voix des entreprises. L’IIBA Cameroun apporte sa méthodologie et son expertise.
Les administrations, comme le MINMIDT et l’INS, garantissent l’ancrage institutionnel. Les partenaires internationaux partagent leurs expériences et leurs standards.
C’est cette synergie qui fera la force du projet. Car la donnée ne peut pas être gérée en silo. Il faut une gouvernance partagée, où chacun contribue selon son rôle, pour bâtir un véritable écosystème de confiance.
Quelles retombées pour les PME, qui constituent l’essentiel du tissu économique ?
Ce projet est pensé d’abord pour elles. Nos PME représentent plus de 90 % du tissu économique, mais elles sont souvent les plus vulnérables. Elles manquent d’outils, de méthodes simples, de ressources humaines spécialisées.
Avec le Guide, les protocoles harmonisés, les plateformes numériques et les formations prévues, nous voulons leur donner les moyens de franchir un cap.
Une PME qui maîtrise ses données est plus productive, plus crédible auprès des banques et des investisseurs, et mieux intégrée dans les chaînes de valeur. En soutenant les PME dans ce domaine, nous consolidons toute l’économie nationale.
“
Ce projet est une première en Afrique centrale. Il peut faire du Cameroun un pionnier et un leader régional en matière de gouvernance des données industrielles
Comment ce travail peut-il positionner le Cameroun comme référence régionale ?
Avec ce projet, le Cameroun prend une longueur d’avance en Afrique centrale. Peu de pays de la sous-région disposent déjà d’un Livre Blanc, d’un Guide des Bonnes Pratiques, d’un diagnostic national et d’une feuille de route opérationnelle.
En nous dotant de ces outils, nous envoyons un message fort : nous sommes prêts à faire de la donnée un levier stratégique. Si nous restons constants, le Cameroun pourra être reconnu comme une référence en matière de gouvernance des données industrielles, attirer davantage d’investissements et renforcer sa position de leader économique dans la sous-région.