En Afrique Centrale, l’accès au financement reste un défi majeur pour les entreprises et les porteurs de projets, en particulier pour les PME. La principale raison de cette exclusion financière est l’exigence de garanties réelles par les banques, une condition souvent impossible à satisfaire.
Avec plus de 70 % des demandes de crédit des PME refusées faute de garanties suffisantes, l’économie de la région est privée d’un levier de croissance essentiel. Face à cette impasse, les Fonds Communs de Placement (FCP) émergent comme une solution stratégique et moderne.
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Un FCP monétaire est plus sûr qu’un FCP en actions, qui lui-même est plus liquide qu’un FCP immobilier
Le FCP : Une Garantie Financière Agile
Un Fonds Commun de Placement est un portefeuille d’actifs financiers (actions, obligations, etc.) détenu par de multiples épargnants. Pour une PME, détenir des parts de FCP n’est pas seulement un placement, c’est aussi un actif qui peut être mis en garantie (nanti) pour obtenir un crédit.
Cependant, tous les FCP ne se valent pas. Leur fiabilité en tant que garantie dépend de leur liquidité et de leur volatilité. Un FCP monétaire est plus sûr qu’un FCP en actions, qui lui-même est plus liquide qu’un FCP immobilier. Une approche différenciée est donc indispensable.
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Un Scoring Prudentiel pour une Confiance Partagée
Pour que ce mécanisme fonctionne, il est crucial d’adopter un système de scoring réglementaire au sein de la CEMAC. Ce système évaluerait chaque FCP selon des critères clairs :
- 👉🏻 Liquidité : la facilité et la rapidité de conversion des parts en cash ;
- 👉🏻 Volatilité : la stabilité de la valeur du fonds ;
- 👉🏻 Duration : c’est la mesure de la sensibilité du portefeuille à une variation des taux d’intérêt. Une duration faible est un gage de stabilité et de risque moindre ;
- 👉🏻 Diversification : la répartition des actifs pour minimiser les risques ;
- 👉🏻 Encadrement : l’agrément COSUMAF et les audits réguliers.
Ce score déterminerait une “quotité de financement” : le pourcentage de la valeur des parts que la banque accepte de financer. Conformément aux pratiques bancaires saines, plus l’actif est sûr (Score A), plus cette quotité est élevée.
Exemple d’application : – Score A (Titre très liquide) : couverture à 80 % (monétaire, obligation souveraine etc…) – Score B (Liquide, volatil) : couverture à 50 % (Actions, obligation privée cotée etc… ) – Score C (Peu liquide) : non éligible (immobilier etc.)
Exemple concret
Soit une PME détenant des parts de FCP pour une valeur de 10 000 000 FCFA, le prêt éligible varierait ainsi :
Recommandations pour une Application Immédiate par les Banques
Sans même attendre l’implémentation d’un cadre réglementaire complet, les banques peuvent dès aujourd’hui intégrer cette approche pour dynamiser l’octroi de crédits à court terme.
➡️ Autorisations de Découvert : Un FCP nanti (notamment de score A ou B) peut servir de garantie pour l’octroi ou l’augmentation d’une ligne de découvert. Le plafond du découvert serait directement lié à la valeur du portefeuille et à sa quotité de financement, offrant une flexibilité précieuse pour la gestion de la trésorerie des PME ;
➡️ Financement du Crédit Fournisseur : Une entreprise peut utiliser ses parts de FCP comme collatéral pour obtenir des financements à très court terme afin de régler ses fournisseurs comptant. Cela lui permettrait de bénéficier d’escomptes et de renforcer sa crédibilité au sein de sa chaîne d’approvisionnement ;
➡️ Affacturage (Factoring) : Dans une opération d’affacturage, le nantissement de parts de FCP en complément des créances clients peut servir de garantie additionnelle. Cela permettrait à la banque (le factor) de réduire son risque, et donc de proposer à la PME un taux d’avance plus élevé sur ses factures ou des commissions plus faibles.
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L’adoption d’un scoring prudentiel pour les FCP est une opportunité formidable pour transformer l’épargne régionale en un moteur puissant pour l’économie réelle
Le Rôle Essentiel des Régulateurs
Pour pérenniser et standardiser cette pratique, l’intervention des régulateurs est fondamentale.
- COBAC : elle doit intégrer ce référentiel de scoring dans les règles prudentielles ;
- BEAC : elle peut reconnaître les FCP les mieux notés comme actifs éligibles aux opérations de refinancement ;
- COSUMAF : elle a pour rôle de fixer les standards de publication des données des FCP pour assurer une totale transparence.
En conclusion, l’adoption d’un scoring prudentiel pour les FCP est une opportunité formidable pour transformer l’épargne régionale en un moteur puissant pour l’économie réelle.
C’est une voie crédible pour financer la croissance, stimuler l’investissement et bâtir un écosystème financier plus inclusif et dynamique en Afrique Centrale.