L’énergie, SONNANG Clovis NDONGLA en a fait son terrain de bataille. Il est avocat au Cameroun et au Nigéria, doctorant en droit pétrolier à l’Université d’Ibadan et acteur très engagé dans la lutte contre la pauvreté énergétique en Afrique.
En 2020, il a cofondé l’African Energy and Extractives Policy Institute, convaincu qu’un autre avenir est possible pour le secteur de l’énergie.
Pour lui, le Cameroun doit sortir de l’immobilisme et repenser sa stratégie : libéraliser le marché, diversifier les sources de production et renforcer la part des renouvelables. Nous l’avons rencontré !
Bonjour Clovis. Merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, pouvez-vous nous retracer brièvement votre parcours académique et professionnel ?
Je suis SONNANG Clovis NDONGLA, Avocat inscrit aux Barreaux du Cameroun et du Nigéria et spécialisé en Droit Pétrolier. Je suis actuellement en cycle de doctorat en Droit Pétrolier au Centre d’Énergie Pétrolière, de l’Économie et du Droit (CPEEL) à l’Université d’Ibadan au Nigéria, où j’ai obtenu avec brio mon master en droit international des affaires.
Je suis aussi cofondateur de l’African Energy and Extractives Policy Institute et associé gérant du cabinet Keystone Tax and Legal.
Qu’est-ce qui a motivé la création de l’African Energy and Extractives Policy Institute ? Avec quelle ambition l’avez-vous cofondé ?
L’Afrique doit bénéficier de ses richesses extractives. Pour que cela se produise, les politiques et les ambitions progressistes doivent avoir un impact sur la plupart des politiques en faisant des propositions, en faisant pression pour des réformes et en conseillant les gouvernements.
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C’est le monopole qui fait le malheur des camerounais
Quelle est la mission principale de l’Institut que vous dirigez ? Et sur quels leviers concrets intervenez-vous ?
Notre mission principale est de tout faire pour éviter la dérive des ressources naturelles et, en même temps, nous voulons faire de la pauvreté énergétique une histoire ancienne en Afrique.
Nos ressources doivent être extraites de manière transparente, le potentiel correctement géré et les fruits gérés de manière responsable.

Faut-il repenser toute la chaîne de valeur de l’électricité au Cameroun ? Et comment mieux responsabiliser chaque acteur ?
Oui, il est nécessaire de repenser notre chaîne de valeur de l’électricité. Nous devons segmenter le secteur en plaçant des acteurs distincts aux différentes étapes de la chaîne de valeur que sont la production, le transport et la distribution.
Le marché de l’électricité devrait être libéré afin que les prix soient déterminés par les forces du marché de l’offre et de la demande. L’objectif principal du régulateur devrait être la conformité.
Avec un seul acteur ENEO qui est présent à tous les niveaux, c’est carrément le monopole.
C’est ce monopole qui fait le malheur des camerounais et aussi la présence de l’Etat dans cette stabilisation des prix dans ce secteur. Ce n’est pas bien du tout.
Le gouvernement envisage actuellement la reprise d’Eneo, principal distributeur d’électricité. Certains y voient une reprise en main salutaire, d’autres une décision risquée. Est-ce une bonne idée ? Est-ce que l’État peut faire mieux là où les opérateurs privés ont échoué ?
Si nous revenons à la situation antérieure comme c’était le cas avec la SONEL, alors cela n’en vaut pas la peine. La gestion de l’État au Cameroun a montré ses limites à maintes reprises.
Comme j’aime à le dire, le gouvernement n’a rien à faire dans les affaires parce que la dynamique du gouvernement n’est pas favorable aux affaires.
L’État, après la prise de contrôle, devrait privatiser le secteur une fois de plus, mais cette fois-ci avec plus d’acteurs.
Vous suivez de près ces sujets depuis plusieurs années. Quelles seraient, selon vous, les premières choses à changer si on veut vraiment améliorer la situation ?
Voici les mesures prioritaires :
➡️ Création de cinq régions énergétiques : notamment la première couvrant les régions du Nord et de l’Extrême Nord, la deuxième couvrant les régions de l’Est et Adamaoua, la troisième couvrant les régions de l’Ouest et le Nord-Ouest, la quatrième couvrant les régions du Littoral, du Sud-Ouest et du Sud et la cinquième couvrant la région du Centre ;
➡️Sectorisation du marché (production, transmission et distribution) ;
➡️ Procédure d’obtention des licences de distribution et de production par appel d’offre public ;
➡️ Libéralisation du secteur sur toute la chaîne de valeur : les forces du marché, l’offre et la demande, doivent pouvoir s’épanouir ;
➡️ Encouragement des partenariats public-privé ;
➡️ Diversification des sources de production et intégration des énergies renouvelables.
“ Les énergies renouvelables ne devraient pas être notre priorité. La transition doit être progressive
Du 17 au 20 juin dernier, le Cameroun participait à l’Africa Energy Forum, avec l’ambition de mobiliser 7 200 milliards FCFA pour financer son plan énergétique. Que vous inspire cette démarche ?
Là où il n’y a pas de vision adéquate, le peuple périt. Quel est ce plan énergétique que nous avons l’intention de financer ? Tant qu’il n’y a pas de plan concret, pas de problème clair identifié à résoudre et pas de proposition de solution claire, nous montons un cheval mort.
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Le Cameroun mise aussi sur les énergies renouvelables, mais leur part dans le mix énergétique reste marginale. Sommes-nous en train de rater un virage ?
Absolument. Les énergies renouvelables doivent être une partie nécessaire de notre mix énergétique. Nous avons le soleil, nous avons le vent, nous avons la géothermie et l’océan que nous devrions exploiter pour ajouter à notre mix énergétique.
Néanmoins, les énergies renouvelables ne devraient pas être notre priorité, la transition devrait être progressive.
Enfin, comment voyez-vous l’avenir du secteur énergétique au Cameroun ? Vous êtes plutôt optimiste… ou prudent ?
Je suis très optimiste quant à notre secteur énergétique. Nous avons seulement besoin de bonnes politiques, des bonnes personnes aux bons endroits et d’une action cohérente. La pauvreté énergétique peut appartenir au passé au Cameroun parce que le potentiel est là.