Après dix années passées à Londres, Régine Cecile NGO YONN a fait le choix de rentrer au Cameroun. Un retour réfléchi, nourri par l’envie de se reconnecter à ses racines, de se rapprocher de ses proches et de contribuer, à sa manière, au développement local.
De retour au pays, elle entame sa carrière dans le secteur pétrolier avant de s’orienter vers l’assurance, un domaine dans lequel elle cumule aujourd’hui plus de treize ans d’expérience.
Depuis son arrivée chez Prudential Beneficial en tant que Directrice du Développement Commercial, l’entreprise a gagné du terrain : elle est passée de la 14e à la 9e place sur le marché des assurances Non-Vie en moins de quatre ans. Une progression notable, portée par une stratégie de vulgarisation des produits d’assurance, dans un contexte où moins de 2 % de la population camerounaise est couverte.
Pour commencer, que peut-on savoir de vous et du parcours qui vous a menée jusqu’au poste que vous occupez aujourd’hui ?
Mon ouverture au monde dès 1993, lorsque mon père est affecté au Burkina Faso, plus précisément à Ouagadougou, m’a permis d’avoir une ouverture d’esprit et de me familiariser avec diverses cultures.
Le retour au Cameroun est bref entre 1998 et 2000, mais nécessaire pour me permettre d’avoir quelques bases, qui aujourd’hui m’ont fait intégrer un réseau incontournable dans la sphère camerounaise.
En 2000, en classe de terminale, mes parents décident de m’envoyer à Londres pour poursuivre mes études, afin que je puisse développer mon anglais et être bilingue.
Diplômée de la London Metropolitan University en Angleterre, où j’ai obtenu un Bachelor en Gestion des Entreprises (BA Business Administration) puis un Master en Comptabilité et Finance entre 2002 et 2008, j’ai débuté ma carrière dans les études de marché en tant que Chef de Projet chez Medefield, puis en recherche chez Harris Interactive à Londres.
De retour au Cameroun en 2010 après dix ans passés à Londres pour des raisons personnelles, j’ai d’abord occupé le poste de Gestionnaire des Risques de Marché chez First Oil Cameroon, la première société pétrolière nationale, avant de rejoindre le secteur de l’assurance en 2012 chez Chanas Assurances.
Ma formation m’a ouvert les portes du groupe AXA en 2013, où j’ai évolué comme Responsable Commerciale en charge des bureaux Directs pendant environ quatre ans. Je suis par la suite, débauchée par Allianz en 2016 pour diriger un projet de développement d’un agent général panafricain. Après 4 longues années de travail acharné, j’intègre le Groupe PRUDENTIAL BENEFICIAL GENERAL dans
les fonctions de Directrice du Développement Commercial le 15 juin 2020, grâce à mes compétences en vente, et en gestion d’équipes.
Nous sommes passés de 14ème à 9ème sur le marché des assurances Non-Vie en moins de quatre ans, avec une progression de 51% en 2022. Il faut rappeler qu’au niveau de l’assurance Vie, nous occupons la Deuxième (2ème) place sur le marché Camerounais. J’en profite pour féliciter nos équipes commerciales, notamment nos agents, qui se déploient sur le terrain au quotidien afin d’assurer la pérennité de notre entreprise.
Cette année, j’ai décroché un Master en Management des Assurances (« Manager de l’Assurance ») à l’École Supérieure des Assurances de Paris et j’en suis particulièrement fière, car cela apporte une onction à mes actions dans le secteur règlementé des assurances.
Ceci me permettra de mieux mettre en œuvre mes compétences en matière de stratégie commerciale, de gestion d’équipe, de communication et de négociation, essentiels pour réussir dans cette fonction.
” Ce qui m’a réellement motivée à rentrer, c’est le désir de me rapprocher de ma famille et laisser une empreinte positive dans mon pays
Vous avez vécu et travaillé à Londres pendant près de 10 ans, avant de revenir vous installer au Cameroun. Qu’est-ce qui vous a motivée à faire ce choix de retour, alors que beaucoup prennent la direction inverse ?
Ce qui m’a réellement motivée c’est principalement le désir de me rapprocher de ma famille et laisser une empreinte positive dans mon pays.
Mais également au bout de 10 ans à l’extérieur, le désir de me reconnecter à ma culture et à mon identité, sans oublier la qualité de vie que nous avons chez nous. Les motivations professionnelles sont principalement liées aux opportunités de carrière qu’offre le Cameroun dans certains secteurs.
Comment vos proches ont-ils accueilli cette décision à l’époque ?
Mes proches l’ont très bien vécu à l’époque. Par conséquent, j’avais un soutien inconditionnel face à mes choix de carrière. Je dirais que mon père a joué un très grand rôle dans ma décision de rentrer, car il est un modèle et un exemple à suivre du fait de sa détermination et tout ce qu’il a eu à accomplir dans sa vie.

Comment vous êtes-vous retrouvée dans le secteur des assurances ? Qu’est-ce qui vous a attirée vers ce secteur ?
Dans un premier temps, je dirais que ma formation en finance et en économie m’a donné une base solide pour comprendre les principes de l’assurance. Puis, j’ai eu une opportunité à Chanas Assurances qui à l’époque était Leader du marché, et qui m ‘a permis d’avoir une expérience pratique du secteur.
Ce qui m’attire dans ce secteur c’est tout d’abord le fait qu’il soit en constante évolution, ce qui offre des opportunités pour les professionnels de se développer et de spécialiser.
Ensuite, je dirais, la demande constante, car les assurances sont une nécessité pour les individus et les entreprises, ce qui garantit une demande constante pour les services des professionnels du secteur.
Il y a également la diversité des produits et services allant de l’assurance vie à l’assurance IARDT (Incendie, Automobile, Responsabilité Civile, Dommages, Transport), santé et prévoyance.
Je parlerais aussi de l’impact social, car les assurances peuvent aider les individus et les entreprises à se protéger contre les risques et à se remettre des imprévus, ce qui peut avoir un impact positif sur leur vie et leur bien-être.
Les assurances également contribuent à une certaine stabilité économique, en permettant aux individus et entreprises de prendre des risques calculés et d’investir dans leur avenir.
Le taux de souscription reste très faible au Cameroun : selon vous, que manque-t-il pour faire évoluer la perception de l’assurance dans notre société ?
Le taux de souscription aux assurances reste effectivement faible au Cameroun avec moins de 2% de la population couverte. Selon l’ASAC (Association des Sociétés d’assurance du Cameroun), cela représente un énorme potentiel de développement pour le secteur.
Selon moi, plusieurs facteurs contribuent à ce faible taux de souscription, notamment :
- ✔️ Le manque de sensibilisation : les Camerounais ne sont pas suffisamment informés sur les avantages des assurances
- ✔️ Faible culture de l’assurance : ce n’est pas dans nos habitudes
- ✔️ Le poids élevé du secteur informel qui représente 70% des emplois par exemple dans une ville comme Douala
Pour y remédier, je propose que certaines mesures soient mises en place :
- ✔️ Généralisation de l’obligation d’assurance dans tout le secteur formel ;
- ✔️ Sensibilisation de l’administration fiscale sur l’importance de l’assurance et les freins au développement du secteur ;
- L’amélioration du pouvoir d’achat des Camerounais

Quelle est la vraie clé pour réussir à vendre de l’assurance au Cameroun aujourd’hui ?
Je dirai que la vraie clé réside dans la compréhension des besoins des clients, car comprendre les besoins et préoccupations des clients potentiels est essentiel pour proposer des solutions adaptées.
Ensuite, je dirais la personnalisation, en adaptant des offres aux besoins spécifiques pour augmenter la pertinence et l’attractivité des produits
Mais tout ça ne peut évoluer s’il n’y a pas de sensibilisation et d’éducation des clients potentiels aux avantages de certains produits et les éduquer sur les différents types de police, leurs avantages et inconvénients.
Tout ceci engendrerait une relation de confiance en étant transparent, honnête et réactif à leurs besoins. Il faut par conséquent leur offrir un service client de haute qualité pour garantir leur rétention/fidélité.
Nous ne devons pas négliger la mise à disposition de produits et services innovants pour leur permettre de choisir les couvertures et niveaux de protection qui leur conviennent.
Par ailleurs, nous vivons désormais dans le digital, par conséquent avoir recours à la technologie est la base. A travers les plateformes en ligne pour faciliter l’accès aux produits et améliorer l’expérience client, mais également dans le but d’automatiser les processus, réduire les coûts et améliorer l’efficacité.
Le développement du réseau de vente (multicanal) et les partenariats, par exemple bancaires pour proposer des solutions d’assurance intégrées, est primordial.
Votre entreprise a récemment récompensé les meilleurs conducteurs du client et partenaire Dangote Industries Limited. Quel était l’objectif de cette démarche ?
Récompenser les meilleurs conducteurs est une pratique qui vise à encourager/motiver et à reconnaitre leurs efforts.
Les objectifs sont les suivants :
- ✔️ Réduction des accidents ;
- ✔️ Prévention des blessures et des décès ;
- ✔️ Encouragement de la responsabilité, car les autres pourront adopter des comportements de conduite responsable ;
- ✔️ Promotion du civisme pour une culture de respect des règles de la route
Tout ce qui réduit les coûts liés aux accidents de la route tels que les réparations de véhicule et frais médicaux mérite d’être reconnu et récompensé. Pour cette raison, les conducteurs les plus performants peuvent bénéficier de primes d’assurances réduites.
Au-delà du symbole, que représente ce type d’initiative pour vous, Est-ce un modèle que vous envisagez de reproduire avec d’autres partenaires ? Si oui, sous quelle forme ?
Oui c’est un modèle que nous envisageons de mettre en place avec certains de nos clients, car nous pensons que ceci apportera un plus non seulement dans nos activités (meilleure rentabilité) mais également sera bénéfique pour notre clientèle en termes de coûts.
Nous maintiendrons la même forme. On ne change pas une stratégie qui gagne…
En plus de votre poste de directrice du développement des affaires, vous êtes engagée dans plusieurs associations. Pourquoi ce choix ? Qu’est-ce que ces engagements vous apportent ?
Mon engagement à travers ces associations, me permet d’être en contact avec la société, d’être informée des problèmes sociaux les plus courants, de développer mon réseau de relations et de contribuer à l’amélioration du bien-être de certaines personnes.
A titre d’exemple, être membre de l’association « Les amis de la ville de Douala » me permet de m’intéresser au développement durable de ma ville. Je suis également, la Présidente des Anciens élèves du Lycée Français, Dominique Savio (A.E.D.S) depuis janvier 2025.
Ceci me permet de développer de nouvelles compétences, de rencontrer de nouvelles personnes et de découvrir de nouvelles expériences. Cet engagement m’aide également à élargir mon réseau professionnel et à établir des relations avec des personnes ayant des intérêts similaires.
Est-ce parfois un poids ?
Je dirais que c’est plus une source d’équilibre. Car l’impact sur la communauté se fait ressentir à moyen termes, sur les ventes, et l’image de la société.
“Nous avons tant de choses à faire pour développer ce secteur des assurances en Afrique et nous ne sommes qu’au début.
Avec le recul et le cumul des expériences, quels conseils donneriez-vous à cette jeune élève du Lycée qui rêvait de réussir sa vie ?
Je lui dirais, Régine, ne baisse jamais les bras, crois en toi : il n’y a que le travail qui paie et tu es sur la bonne voie…
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Dans 5 ou 10 ans, vous vous imaginez toujours dans le secteur de l’assurance, ou sur un tout autre terrain ?
Je dirais Oui, vu que je cumule déjà 13 longues années d’expérience dans ce secteur des assurances. Je compte bien le développer davantage, que ce soit en compagnie ou ailleurs. Nous avons tant de choses à faire pour développer ce secteur en Afrique et nous ne sommes qu’au début.
Par conséquent, nous devons juste nous entraider et partager une vision commune si nous voulons réellement libéraliser ce secteur dans les 5 années à venir… Nous restons optimistes et ambitieux !