L’industrie change. Elle se réinvente, se digitalise. Mais derrière les machines et les algorithmes, il y a des hommes et des femmes qui portent cette transformation. Ornello Olivier Youmbi est de ceux-là. Après un parcours qui l’a mené du Cameroun au Sénégal, puis en France, il est aujourd’hui chef de projet en transformation industrielle chez SCHERDEL, une entreprise qui équipe près de 80 % des véhicules dans le monde.
Dans le cadre de notre rubrique Focus Métier, Olivier nous plonge dans les coulisses de son métier et nous parle sa vision de l’industrie du futur.
Bonjour Olivier. Vous êtes parti du Cameroun pour le Sénégal, et aujourd’hui, vous vivez et travaillez en France. Pouvez-vous nous retracer votre parcours académique et professionnel ?
J’ai effectué l’ensemble de mon parcours académique au Cameroun. J’ai suivi un parcours académique et professionnel orienté vers l’innovation industrielle et la transformation numérique. Après avoir obtenu un GCE Advanced Level, j’ai poursuivi mes études avec un BTS en informatique industrielle, suivi d’une Licence technologique en génie électrique et informatique industrielle, puis d’un Master professionnel en génie industriel et maintenance.
Mon parcours professionnel a débuté au Cameroun, où j’ai occupé un poste d’automaticien, ce qui m’a permis d’acquérir une solide expérience dans l’automatisation des processus industriels. Souhaitant évoluer dans un cadre plus large, j’ai ensuite saisi une opportunité au Sénégal, où j’ai travaillé en tant que superviseur de maintenance et automaticien. Cette expérience m’a permis de développer mes compétences en gestion d’équipes et en optimisation des systèmes de maintenance industrielle.
Animé par l’envie d’approfondir mes connaissances et de me spécialiser davantage, j’ai décidé de poursuivre mes études en France. J’ai ainsi intégré un Mastère spécialisé en gestion de projet d’innovation (Industrie 4.0), une formation axée sur la transformation numérique et technologique des industries. Cette formation m’a apporté une vision stratégique et technologique des transformations industrielles.
Aujourd’hui, je travaille en France en tant que chef de projet en transformation industrielle. Mon rôle consiste à piloter des projets d’innovation et d’optimisation des processus industriels, en intégrant les nouvelles technologies de l’Industrie 4.0. Grâce à mon parcours international et mes diverses expériences, j’apporte une vision stratégique et technique pour accompagner les entreprises dans leur transition vers l’industrie du futur.
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Qu’est-ce qui a motivé ces choix de vie ?
J’ai toujours été animé par une volonté d’apprendre, d’évoluer et de relever des défis. Chaque étape de mon parcours a été guidée par cette ambition. Après mes premières expériences en automatisation et en maintenance industrielle, j’ai rapidement compris que la technique seule ne suffisait pas : il était essentiel de maîtriser la gestion de projet et l’innovation pour avoir un réel impact sur l’industrie.
Travailler dans différents pays m’a offert une vision élargie des enjeux industriels et m’a appris à m’adapter à des environnements variés. Mon passage au Sénégal, en tant que superviseur de maintenance et automaticien, a renforcé mes compétences en gestion d’équipes et en optimisation des systèmes. Cette expérience m’a donné l’élan nécessaire pour me spécialiser davantage, ce qui m’a conduit à poursuivre un mastère spécialisé en France.
Aujourd’hui, je vois à quel point ces expériences ont façonné ma manière de travailler. Elles m’ont appris à concilier la technique et la vision stratégique pour accompagner les entreprises dans leur transition vers l’Industrie 4.0. Plus qu’un parcours, c’est une évolution continue qui me pousse à innover et à anticiper les défis de l’industrie du futur.
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Que fait un chef de projet en transformation industrielle au quotidien dans une entreprise qui équipe plus de 80 % des véhicules mondiaux ?
En tant que chef de projet en transformation industrielle, mon rôle consiste à piloter des initiatives stratégiques visant à moderniser les processus de production et à intégrer les nouvelles technologies de l’Industrie 4.0. Dans une entreprise qui équipe plus de 80 % des véhicules mondiaux, cela signifie travailler sur des projets d’innovation à fort impact, en lien avec l’amélioration continue, l’automatisation et l’optimisation des performances industrielles.
Au quotidien, mes missions s’articulent autour de plusieurs axes :
• Identification des besoins : Je travaille en étroite collaboration avec les équipes de production, de maintenance et d’ingénierie pour analyser les problématiques industrielles et identifier les leviers d’amélioration.
• Rédaction des cahiers des charges fonctionnels : Une fois les besoins définis, je formalise les exigences techniques et fonctionnelles des projets afin de garantir leur bonne mise en œuvre.
• Gestion de projets : Je pilote l’ensemble du cycle de vie des projets, de la conception à la mise en service, en coordonnant les différentes parties prenantes (fournisseurs, équipes internes, clients). Je veille également au respect des coûts, des délais et de la qualité.
• Benchmarking : L’innovation étant un moteur clé de la transformation industrielle, je mène une veille technologique et concurrentielle afin d’identifier les meilleures pratiques et les solutions les plus performantes du marché. Cela me permet de proposer des technologies adaptées aux besoins de l’entreprise.
• Accompagnement du changement : Une transformation industrielle ne se limite pas à la mise en place de nouvelles technologies. Il est essentiel d’accompagner les équipes dans l’adoption de ces solutions en assurant la formation et la montée en compétences des collaborateurs.
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L’Industrie 4.0 a un véritable avenir en Afrique, et elle représente une opportunité unique pour moderniser le secteur industriel du continent
Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez dans votre travail quotidien ?
Les défis que je rencontre au quotidien sont nombreux, notamment dans un secteur aussi exigeant que l’industrie automobile. Mon rôle consiste à piloter des projets innovants tout en garantissant leur adoption efficace au sein des équipes. Parmi les principaux défis :
• La gestion du changement : L’implémentation de nouvelles technologies ou de nouveaux processus entraîne souvent des résistances. Il est crucial d’accompagner les équipes, de les impliquer dès les premières étapes et de leur démontrer la valeur ajoutée des changements pour assurer une adoption réussie.
• L’alignement des parties prenantes : Travaillant avec des équipes multidisciplinaires (production, maintenance, ingénierie, IT, fournisseurs), il est essentiel de coordonner l’ensemble des acteurs pour garantir l’adhésion au projet et éviter les silos organisationnels.
• Le respect des coûts et des délais : Dans un secteur où la compétitivité est clé, il faut constamment optimiser les ressources tout en assurant la qualité des solutions mises en place. Cela implique une gestion rigoureuse du budget et du planning.
• L’évolution rapide des technologies : L’industrie 4.0 est en perpétuelle mutation, avec des innovations constantes en matière d’automatisation, de data analytics ou d’intelligence artificielle. Réaliser un benchmarking efficace et sélectionner les solutions adaptées aux besoins réels de l’entreprise est un défi majeur.
• L’intégration des nouvelles solutions dans un environnement existant : La modernisation des infrastructures de production doit être pensée en cohérence avec les systèmes déjà en place, ce qui demande une approche stratégique et pragmatique pour éviter des interruptions majeures.
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L’Industrie 4.0, c’est l’usine du futur qui se met en place dès aujourd’hui
Pour beaucoup, l’industrie 4.0 est encore un concept flou ou inaccessible. Si vous deviez expliquer simplement ce que cela signifie et son impact sur nos vies, que diriez-vous ?
L’Industrie 4.0, c’est tout simplement la transformation numérique du monde industriel. Elle repose sur l’intégration des nouvelles technologies (automatisation avancée, intelligence artificielle, Internet des objets, big data, etc.) pour rendre les usines plus intelligentes, connectées et efficaces.
Concrètement, cela signifie des machines capables de communiquer entre elles, des systèmes qui anticipent les pannes avant qu’elles ne surviennent, ou encore des processus de production plus flexibles et personnalisés.
L’impact sur nos vies est énorme : grâce à l’Industrie 4.0, les produits que nous utilisons (voitures, appareils électroniques, vêtements) sont fabriqués plus rapidement, avec une meilleure qualité et de manière plus durable. Elle permet aussi d’optimiser les ressources, de réduire les déchets et d’améliorer les conditions de travail en diminuant les tâches pénibles ou répétitives.
En résumé, l’Industrie 4.0, c’est l’usine du futur qui se met en place dès aujourd’hui, pour une production plus intelligente, efficace et responsable.
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Comment embarquez-vous vos équipes dans des projets de transformation parfois difficiles à accepter ?
La réussite d’une transformation industrielle ne repose pas uniquement sur la technologie, mais avant tout sur les hommes et les femmes qui la mettent en œuvre. Pour embarquer les équipes, j’adopte une approche basée sur trois piliers essentiels :
1. Expliquer le “Pourquoi” : Le changement est souvent perçu comme une contrainte. J’insiste donc sur la valeur ajoutée des projets, en montrant concrètement comment ils améliorent le travail au quotidien (réduction des tâches pénibles, gain de temps, amélioration de la qualité, etc.).
2. Impliquer dès le départ : J’associe les équipes dès la phase de conception pour qu’elles puissent exprimer leurs besoins et leurs préoccupations. Un projet imposé de l’extérieur a peu de chances d’être adopté, alors qu’un projet co-construit avec les collaborateurs sera mieux accepté.
3. Former et accompagner : La digitalisation et l’automatisation peuvent être perçues comme des menaces. Je veille donc à proposer des formations adaptées pour donner aux équipes les compétences nécessaires et les rassurer sur l’évolution de leur rôle.
En créant un climat de confiance et de transparence, en donnant du sens au changement et en accompagnant chaque étape, on transforme la résistance en engagement. Une transformation réussie, c’est avant tout une transformation humaine.
L’industrie 4.0 a-t-elle un avenir en Afrique ? Quels leviers permettraient de l’accélérer ?
Oui, l’Industrie 4.0 a un véritable avenir en Afrique, et elle représente une opportunité unique pour moderniser le secteur industriel du continent. Avec une population jeune, une urbanisation croissante et des besoins grandissants en infrastructures et en production locale, l’adoption des nouvelles technologies industrielles peut accélérer le développement économique et renforcer la compétitivité des entreprises africaines.
Les leviers pour accélérer l’Industrie 4.0 en Afrique :
1. Le développement des infrastructures numériques : L’Industrie 4.0 repose sur des technologies comme l’IoT, le cloud et l’intelligence artificielle. L’expansion des réseaux Internet haut débit et des centres de données est essentielle pour soutenir cette transition.
2. La formation et le développement des compétences : L’un des défis majeurs est le manque de main-d’œuvre qualifiée dans les nouvelles technologies industrielles. Il est crucial d’investir dans la formation technique et digitale pour permettre aux talents africains d’exploiter pleinement les outils de l’Industrie 4.0.
3. L’investissement dans l’automatisation et les énergies renouvelables : L’automatisation peut améliorer la productivité, tandis que l’intégration des énergies renouvelables (solaire, éolien) permettrait de réduire la dépendance aux réseaux électriques souvent instables.
4. Le soutien des gouvernements et des politiques industrielles : Des incitations fiscales, des financements dédiés et des partenariats entre le public et le privé peuvent encourager les entreprises à adopter ces nouvelles technologies.
5. Le développement d’un écosystème d’innovation local : Encourager les start-ups industrielles, les incubateurs et les partenariats avec des entreprises internationales permettrait de stimuler la recherche et l’adoption de solutions adaptées aux réalités africaines.
L’Afrique a l’opportunité de sauter des étapes et d’adopter directement des technologies modernes sans passer par les anciennes infrastructures. Avec les bons investissements et une approche adaptée, l’Industrie 4.0 pourrait devenir un véritable moteur de transformation économique pour le continent.
Quand vous regardez votre parcours, de quoi êtes-vous le plus fier aujourd’hui ?
En regardant mon parcours, je suis particulièrement fier d’avoir su relever les défis à chaque étape et d’avoir transformé mes expériences en véritables tremplins professionnels. Mon évolution, de l’automatisation au Cameroun à la gestion de projets de transformation industrielle en France, est le reflet de ma capacité à m’adapter et à acquérir des compétences transversales dans des contextes variés.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui rêvent de réussir dans l’industrie ou l’ingénierie ?
À ceux qui rêvent de réussir dans l’industrie ou l’ingénierie, je dirais avant tout de ne jamais sous-estimer l’importance de la curiosité. L’industrie évolue constamment, et ce qui fait la différence, c’est la capacité à apprendre sans cesse, à se remettre en question et à s’adapter aux nouvelles technologies et méthodes. Mais plus que la technique, il faut aussi savoir travailler avec les autres. Les projets d’ingénierie et de transformation impliquent souvent des équipes multidisciplinaires, et la collaboration est essentielle. Il est donc important d’écouter, de partager des idées et de rester ouvert à la diversité des points de vue.
Enfin, je leur conseillerais de ne pas avoir peur des échecs. Chaque erreur est une leçon qui permet de grandir. Le chemin vers le succès est rarement linéaire, et c’est en surmontant les difficultés qu’on forge son parcours. Soyez passionnés, persévérants, mais aussi humbles et prêts à apprendre de ceux qui vous entourent.
Si vous deviez résumer votre mission chez SCHERDEL en une phrase, quelle serait-elle ?
Ma mission chez SCHERDEL est de piloter la transformation industrielle en intégrant les technologies de l’Industrie 4.0 pour améliorer l’efficacité et la durabilité des processus de production.
En d’autres mots, c’est de faciliter la transition vers des méthodes de production plus modernes et efficaces, en accompagnant les équipes dans l’adoption du changement.