Joel Mophu, l’Expert qui veut transformer l’avenir des PME en Afrique Centrale

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Rencontre avec un visionnaire aux multiples casquettes

L’Afrique centrale verra-t-elle bientôt émerger un fonds d’investissement spécialisé dans la prise de participation, le renforcement des capacités et la croissance des PMEs, tout en offrant des rendements attractifs aux bailleurs de fonds ? C’est le pari que veut relever Joel Mophu, expert en finance corporative, basé au Canada.

Alors que les banques commerciales et les microfinances dominent le paysage, cet entrepreneur financier plaide pour une approche alternative pour accompagner les opérateurs économiques de la région.

Bonjour Joel. Commençons par l’essentiel : que doit-on savoir sur vous ?

Je suis un Professionnel de la finance corporative qui compte environ 25 ans d’expérience Professionnelle dont 18 en entreprises et environ 7 ans en services conseils. J’ai commencé ma carrière professionnelle au Cameroun dans plusieurs entreprises (Swissport, Maersk, Damco) et j’ai également travaillé en expatriation dans des rôles ou je couvrais plusieurs pays en Afrique.

Sur le plan académique, je suis diplômé de l’université de Buea où j’ai obtenu un Bachelor en Banque et Finance. J’ai également un MBA de l’Université de Wales en Grande bretagne et je suis détenteur de plusieurs titres professionnels notamment : CMA -Comptable en Management Agrée – de l’ordre des CMA : Imanet aux État Unis ; CVA – Expert en Évaluation d’entreprise – CVA de la Nacva aux États Unis ; MAFF – Expert en juricomptabilité – de la Nacva aux État Unis ; Membre de l’ordre des Experts en Évaluation d’Entreprise du Canada CBV Institute ; Candidat à l’examen de synthèse.

Qu’est-ce qui vous a motivé à quitter le Cameroun pour la RD Congo, puis le Canada ? Était-ce une quête de nouvelles opportunités ou un défi personnel ?

J’ai commencé ma carrière professionnelle au Cameroun dans plusieurs entreprises et industries notamment :

Dans le domaine du transport maritime et de la logistique multimodal – MAERSK et d’autres entreprises du groupe :

o Coordonnateur des assurances et du recouvrement à Maersk, Damco, DIT et Safmarine

o Superviseur de projets pour l’unité de gestion des conteneurs en Afrique centrale (CIS)

Dans La sureté et l’assistance aéroportuaire à Swissport (Camport)

o Responsable administratif et Financier assistant

o Accessoirement Agent de sureté aéroportuaire et Superviseur de Vol (Air France, SN Brussels, Air Service entre autres…)

En 2007, Je suis allé en RDC me joindre à un projet de développement d’une agence de marketing BTL en tant que Directeur Administratif et Financier Groupe. Au moment de mon départ, 2 ans et demi après, cette agence avait des représentations dans 5 pays (Cameroun, Niger, Tchad, RDC (le siège) et Congo Brazzaville, avec des leads de déploiement au Gabon.

Des contrats de Trade marketing avec plusieurs gros joueurs dans le domaine de la téléphonie mobile, l’industrie brassicole et agro-alimentaire en Afrique Francophone. En gros, tout le potentiel requis pour devenir l’une, sinon, la meilleure agence BTL en Afrique francophone.

En 2009 J’ai été débauché par une agence de chasseurs de tête basé à Londres (Global Career Company) pour un poste de Marketing Finance Manager à British American Tobacco. En fait, j’étais une sorte de directeur financier de l’unité d’affaire en charge de la distribution des cigarettes importées et la totalité de la production de l’usine locale.

Une de mes plus belles réalisations, c’est d’avoir accompagné le processus de changement du modèle d’affaires pays, notamment la fermeture de l’usine et la délocalisation de toute la production vers les usines de dernière génération au Kenya et en l’Angola, afin de permettre à l’entreprise d’acquérir une meilleure agilité commerciale, financière et fiscale face à des changements fiscaux majeurs en RDC, notamment l’introduction de la TVA et la modification du droit des assises qui semblaient donner un avantage majeur à nos concurrents (importateurs) dans un marché particulièrement élastique au prix, c’est à dire que la plus petite augmentation de prix pouvait engendrer des pertes de volume et de part de marché disproportionnées. Après cette restructuration, je suis allé rejoindre ma famille au Canada.

A quoi ressemblaient vos premiers pas au Canada ?

Mon parcours professionnel au Canada est assez atypique. 3 ans après mon arrivée, j’étais rendu Manager en Finance Commercial aux Brasseries Molson Coors avec une équipe de 5 personnes sous ma supervision et si j’ajoute la relation indirecte avec l’équipe du centre de services partagées en Roumanie, j’ai eu environ 11 personnes sous ma supervision à un certain moment.

Avant d’en arriver là, j’ai dû faire mes preuves à des postes de remplacement en tant qu’Analyste financier dans quelques entreprises (Promo Plastik, ADT security services et Groupe touchette). Après Molson Coors, j’ai été Finance Manager et projets spéciaux chez SSENSE, l’une des plus grandes plateformes de e-commerce des produits de luxe en Amérique du Nord.

En 2021, je rejoins la Firme Comptable MALLETTE SENCRL en tant que Conseiller Expérimenté en Évaluation d’entreprise et Juricomptabilité. En plus de divers mandats en évaluation d’entreprise, achat/vente d’entreprises et support au litige, j’ai été très impliqué dans un gros mandat sur les expropriations dans le cadre du prolongement de la ligne bleu du métro de Montréal.

Ce poste de Conseiller Expérimenté me permettra de finaliser ma transition professionnelle vers les services de conseils aux entreprises, la consultation en Fusion-acquisition et juricomptabilité, amorcée en 2019 par la création de JM Croissance et l’obtention de diverses certifications professionnelles.

Lire aussi : Jocelyne NGASSAM au service des managers en quête de stratégies

On dit souvent que s’intégrer dans le milieu professionnel au Canada est un défi, notamment dans des secteurs techniques. Quel a été votre secret pour réussir, et avez-vous une anecdote à partager ?

Le seul secret c’est de travailler sur soi. Faire son bilan personnel et professionnel, Identifier les compétences, les certifications et les titres professionnels les plus importants du domaine dans lequel on veut se déployer et se donner la discipline pour aller en chercher quelques-uns.

Une petite anecdote : En tant qu’employé, je n’ai jamais eu au Canada, le niveau de rémunération (salaire (net) + avantages sociaux) que je gagnais en Afrique, preuve que ce n’est pas seulement l’environnement qui détermine le succès, mais ce qu’on est capable de mettre sur la table.

De quoi êtes-vous le plus fier en jetant un œil sur votre parcours ?

A date je suis fier de l’ensemble de mon parcours et honnêtement je ne suis pas encore rendu à l’étape du bilan, parce qu’il y a encore des objectifs importants à atteindre. Par exemple je prépare actuellement une certification en sortie d’entreprise afin de mettre un cachet sur mes compétences en sortie d’investissement privée.

Mon plus grand souhait est de créer un fond d’investissement qui va se spécialiser dans la prise de participation et le développement des PMEs à fort potentiel opérant dans des industries stratégiques de la zone CEMAC, afin d’en faire des fleurons régionaux et permettre à mes investisseurs de tirer des rendements que seul l’Afrique peut offrir.

Vous êtes aujourd’hui à la tête de JM Croissance. Pouvez-vous nous présenter cette structure et nous dire ce qui vous a poussé à la créer ?

JM Croissance est le point de synthèse logique de la diversité et la polyvalence de mon parcours professionnel. C’est le meilleur moyen de mettre 100% de mes compétences à la disposition de mes clients pour les accompagner dans leur croissance, peu importe la taille et la nature des enjeux organisationnels.

JM Croissance est une firme de services conseils spécialisée en Evaluation d’entreprise, l’accompagnement en fusion-acquisition, la quantification de dommages dans des contextes de litiges (Violation de Contrats commerciaux et propriété intellectuelle, litiges d’assurance, Expropriation).

Nous aidons les entreprises et les entrepreneurs à donner vie à leur projet d’investissement, à réaliser leurs objectifs de croissance organique ou par fusion-acquisition, mais aussi à compléter efficacement des opérations de transfert d’entreprise, de réorganisation d’actionnariat ou de gestion des litiges entre actionnaires.

Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser plus intensément au repreneuriat ? Le repreneuriat est une opportunité sous-exploitée par les Africains vivant au Canada ?

D’après une étude de l’Observatoire du repreneuriat et du transfert d’entreprise du Québec (ORTEQ), environ 100 000 entreprises vont changer de propriétaires dans les 5 prochaines années et pour 2025 seulement, les chiffres sont autour de 34 000 entreprises.

Le repreneuriat offre de réelles opportunités de conversion et de propulsion professionnelles pour les immigrants expérimentés qui arrivent souvent au Canada à un âge avancé et pour ceux qui plafonnent dans leurs emplois actuels

Même dans l’éventualité d’un retour au pays natal ou la création d’un pont entre son pays d’origine et le Canada, le repreneuriat peut permettre d’acquérir un savoir-faire qu’il sera facile de répliquer sur le continent. A JM Croissance nous avons développé une expertise pointue dans l’accompagnement des acheteurs et comptons à notre actif, plusieurs dizaines de transactions réussies.

Qu’est-ce que le Cameroun peut offrir aujourd’hui à des entrepreneurs expérimentés comme vous ?

Le Cameroun a besoin d’accélérer sa mutation vers une économie de transformation. A cet effet, le pays doit poursuivre la structuration et l’assainissement du milieu des affaires, faciliter l’investissement privé et déployer des mécanismes juridiques et fiscaux qui facilitent le retour des entrepreneurs expérimentés de la diaspora.

Accélérer les synergies entre les opérateurs économiques locaux et ceux de la diaspora est un des leviers qui permettra au ‘Made in Cameroun’ de gagner une plus grande notoriété dans les étagères des grandes chaines de distribution internationales et locales donc la profusion au Cameroun est un indicateur pertinent de l’enrichissement de la classe moyenne.

Je milite aussi pour la création d’un interlocuteur unique entre le gouvernement et la diaspora. Il existe plusieurs initiatives gouvernementales dans certains ministères et organisme tel que le crédit foncier pour faciliter le retour et l’investissement de la diaspora. Mais ces initiatives sont éparses et mal connues, la création d’un interlocuteur unique permettrait de centraliser la communication et les procédures d’accès pour la diaspora.

Comment JM Croissance peut-elle connecter les opportunités entre le Canada et le Cameroun ? Voyez-vous des synergies déjà en place ou en développement ?

Nous avons pu constater que les PMEs ont un plus grand accès aux financements à travers les banques et les établissements de microfinance. Cependant, ces financements se font sur une approche essentiellement bancaire et les processus d’octroi semblent se baser uniquement sur des enjeux de gestion des risques de crédit notamment la solvabilité et les garanties sur prêt (titres fonciers etc.)

Derechef, le marché financier de la CEMAC est en développement, très structuré et régulé de main de maitre par l’autorité des marchés financiers (La COSUMAF). Cependant, les opportunités du marché en tant qu’instrument d’investissement sont largement sous-utilisées par les opérateurs économiques. Les intermédiaires actuels du marché semblent se satisfaire des rendements qu’offrent les titres et obligations des états, c’est-à-dire moins de 1% de ce qu’on peut faire sur un marché financier, et on note également la timidité du marché secondaire.

Au milieu de tous les éléments mentionnés ci-dessus nous constatons aussi que sur le plan de l’accompagnement et du renforcement des capacités des PMEs et des entrepreneurs c’est un DESERT AHURISSANT !! Au Canada les mécanismes de financement des PMEs sont diversifiés et se basent principalement sur une logique de développement économique et de renforcement des capacités.

JM Croissance a développé une expertise dans la mise en place et l’utilisation de ces types de financement. Nous envisageons de participer à la mise en place de ce modèle de financement et d’accompagnement des PMEs dans la sous-région CEMAC. C’est à dire que nous ferons de l’intermédiation entre les pourvoyeurs de financement et les PMEs à travers la prise de participation directe dans des cibles à fort potentiel opérant dans des industries stratégiques.

Nous nous impliquerons dans la gestion des cibles tout en respectant la vision des promoteurs afin de contribuer au développement des fleurons sous-régionaux qui pourraient ultimement devenir des agrégateurs ou faire une entrée en bourse si les conditions sont réunies au bout de 3 à 5 ans.

Avec notre expérience hybride (Afrique et Canada), nous avons acquis une vaste connaissance des problèmes structurels et organisationnels auxquels sont confrontés les PMEs de la sous-région Afrique Centrale et la diversité de nos expériences récentes au Canada nous a permis de développer une boite à outils et des solutions adaptables aux réalités locales en termes de prise de participation, rentabilisation et désinvestissement.

Quel message souhaitez-vous adresser à la jeunesse camerounaise qui manque parfois de repères ?

Aujourd’hui, internet donne accès à un volume illimité d’information et de de formation. J’encourage les jeunes à en faire un atout pour le développement de leurs compétences et de leur image de marque personnel. Comme je l’ai dit précédemment, que ce soit au Cameroun ou à l’étranger, l’environnement est secondaire dans la marche vers la réalisation de soi. Si on a développé des compétences et des aptitudes solides, avec un peu de chance on peut réaliser de grandes choses partout.

Internet a certes démocratisé la formation, mais aussi la compétition. Pour chaque opportunité d’envergure, nos concurrents viennent du monde entier, alors Il faut travailler sur soi et toujours se comparer avec les meilleurs où qu’ils soient.

En dehors de votre travail, comment vous déconnectez-vous ? Une passion ou un hobby inattendu à partager ?

Je passe beaucoup de temps avec ma famille. Ma famille est ma plus grande fierté. Je me sens spécial de pouvoir recevoir et donner de l’amour aux gens qui le méritent dans mon entourage. C’est ce qui me rend fort. Ma vie religieuse occupe aussi une place importante dans mon épanouissement.

Enfin, qu’aimeriez-vous que l’on retienne de votre parcours et de votre vision pour JM Croissance ?

Un ami m’a fait la blague récemment en me traitant de « bourrin intelligent ». Et quelques jours après, j’ai lu dans le journal suisse LE TEMPS, un chroniqueur utiliser la même expression pour designer Elon Musk après sa nomination au département de l’efficacité gouvernementale des Etats Unis.

Je suis un acteur du changement et du progrès, mon histoire personnelle m’a appris à transformer l’adversité en énergie, J’aime rompre le statuquo. Alors oui, je suis un ‘Bourrin Intelligent’ c’est-à-dire, un fonceur comme on dit chez nous.

Joel se décrit comme un guerrier qui ne renonce devant aucun obstacle. Il y’a quelques années, il nageait avec les dauphins (photo)

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