À seulement 31 ans, Ntoudou Mballa Eva Kenia est déjà bien plus qu’une jeune journaliste ambitieuse ; elle est devenue une entrepreneure inspirante, déterminée à marquer l’univers des médias avec Season Media, l’entreprise qu’elle a fondée pour faire rayonner les voix africaines.
Son ambition est dévorante : bâtir un empire médiatique d’envergure internationale. La projection en avant-première de sa série documentaire « Au Cœur du BIR » le 15 Mai dernier au palais des congrès de Yaoundé a révélé l’étendue de son talent et de sa vision, propulsant son média sur le devant de la scène.
Dans cet entretien sans filtre, Eva revient sur son parcours, ses choix, ses ambitions et son opinion sur le rôle des femmes dans la transformation du pays. Rencontre avec une femme de caractère, dont l’impact grandit chaque jour.
Bonjour Eva. Que doit-on savoir sur vous et sur votre parcours ?
Je m’appelle Ntoudou Mballa Eva Kenia, j’ai 31 ans et je suis journaliste ainsi que PDG de Season Media. En résumé, je me décrirais comme une personne forte, résiliente, perspicace, dynamique et rigoureuse. Je suis née à Yaoundé, au Cameroun, le 5 juillet 1993.
Concernant mon parcours scolaire, j’ai suivi une éducation en section anglophone. J’ai fait mon école primaire à CIS Bastos, puis de form 1 à form 5, j’étais à l’internat à Christian comprehensive secondary school, nkolbong, Etoudi. Après l’obtention de mon GCE O Level, je suis allée à Pi and ju où j’ai été renvoyée au deuxième trimestre. J’ai terminé mon année au collège “La Gaieté”, puis j’ai obtenu mon GCE A Level à Mother Theresa College à Douala.
Il est important de préciser que j’ai toujours été une élève brillante mais indisciplinée. La vérité est que je ne me plaisais pas dans les internats mais ma mère a toujours pensé que c’était mieux pour moi. Je m’arrangeais juste à avoir de bonnes notes car maman disait toujours qu’une femme sans éducation ne vaut rien et ne sert à rien à la société.
Par la suite, j’ai rejoint l’ESSTIC où j’ai obtenu ma licence en journalisme en 2015. En 2023, je me suis inscrite à l’École supérieure de journalisme de Lille pour réaliser mon master 1 et 2 en management international des médias, que j’ai d’ailleurs obtenu avec mention bien.
J’ai commencé ma carrière dans le journalisme après avoir effectué mon stage de fin d’études à l’ESSTIC, juste avant ma soutenance de licence. Ce stage de trois mois s’est déroulé au Gabon, au sein de la rédaction de Canal 7. Pour donner suite à ma soutenance au Cameroun, mon rédacteur en chef m’a offert un poste, et c’est ainsi que je suis retournée à Libreville en janvier 2016 en qualité de journaliste reporter au desk politique.
Quelles sont les étapes clés de votre carrière professionnelle ?
Les moments clés de ma carrière comprennent mon premier entretien avec le PDG de UBA, Tony Elumelu, lors du forum de l’hebdomadaire français Libération à Libreville en 2015, ainsi que ma rencontre avec Dominique de Villepin.
En 2017, j’ai été nommée rédactrice en chef du desk anglophone à Label TV, j’avais 24 ans et cette nomination a été un tournant décisif pour ma carrière. J’avais à ma charge une équipe qu’il fallait former car la plupart n’avaient pas bénéficié d’une formation adéquate.
Le Gabon entamait également les procédures pour rejoindre le Commonwealth à cette époque donc les enjeux étaient majeurs. C’est d’ailleurs l’année où j’ai eu l’opportunité d’interviewer le chef de l’État, Son Excellence Ali Bongo Ondimba et que je me suis véritablement fait remarquer dans le paysage médiatique Gabonais. Quelques années plus tard, en 2021 cela m’a valu de devenir rédactrice en chef à Gabon 24, média de la présidence.
Qu’est-ce qui vous a motivée à revenir au Cameroun après plusieurs années passées au Gabon, et comment s’est déroulée cette transition ?
Mon retour au Cameroun a d’abord été une décision personnelle, survenue après une rupture amoureuse après une relation de six ans et demi avec un Gabonais. Pour donner suite à cela, j’ai pris la décision de rentrer. J’étais motivée par l’idée de rejoindre un média local et de me faire connaître davantage dans mon pays.
L’expérience et la carrière que j’ai construite au Gabon ont été très enrichissantes. Je resterai toujours reconnaissante envers ceux qui m’ont soutenue, en particulier à Libreville, où j’ai développé ma personnalité, mes compétences et ma carrière. Cela restera à jamais une partie de ma vie et une expérience inoubliable et marquante pour ma carrière.
Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre Dash Media ? Un salaire plus important ?
Ce n’est pas le salaire qui m’a incitée à rejoindre Dash Media. J’ai intégré ce média grâce à une amie de l’époque, et aussi j’ai été motivée parce que l’équipe était jeune. Les installations et l’équipement étaient similaires à ceux que j’avais utilisés au Gabon. Cet environnement, avec un personnel très jeune, me convenait parfaitement, contrairement à d’autres médias de la place.
En ce qui concerne la qualité des contenus, je trouvais que les images, le rendu et l’atmosphère étaient très agréables. C’est pourquoi j’ai opté pour Dash Media, et non pour le salaire. Je présentais le journal de 19h30 et j’avais deux émissions hebdomadaires.
Je travaillais du lundi au dimanche, mais je ne gagnais que 250 000 francs CFA, ce qui ne représentait même pas un tiers de mon salaire au Gabon. Donc, ce n’était pas le salaire qui comptait, mais plutôt l’idée que je m’étais faite de ce média.
Cependant, après avoir constaté que ma vision ne correspondait à celle d’aucune chaîne de télévision, et après six mois passés dans ce média, j’ai réalisé que je préférais me lancer en indépendante. Voilà pourquoi j’ai créé Season Media.
Pouvez-vous nous présenter Season Media et nous expliquer ses missions et ses activités ?
Season Media est une plateforme numérique dont le slogan est “Informer, divertir, communiquer”. Nous offrons des articles, ainsi qu’une radio en continu 24/7 accessible via notre application mobile et notre site web. Notre engagement se traduit par la création de programmes qui touchent à des thèmes variés, allant de l’économie à la culture, en passant par l’environnement et les questions sociales.
Nous avons la conviction que chaque contenu doit apporter une valeur ajoutée, et c’est cette philosophie qui guide toutes nos productions.
De plus, en investissant dans des documentaires et des reportages de fond, nous cherchons à mettre en lumière des histoires souvent méconnues, tout en donnant la parole à ceux qui ne l’ont que rarement.
Cette approche nous permet non seulement de nous démarquer dans le paysage médiatique, mais également de contribuer positivement à la société en informant et en sensibilisant le plus grand nombre.
Nous assistons les entreprises grâce à des services de communication stratégique, à la production de spots publicitaires et à l’organisation d’événements corporate. Dans le domaine de l’événementiel justement, nous avons eu l’honneur quelques mois après le lancement de nos activités de travailler avec TLS CONTACT et l’Ambassade de France pour l’ouverture et l’inauguration des centres de demande de visa à Douala, Yaoundé et Garoua.
Quels sont les principaux succès de Season Media à ce jour ?
Season Media s’engage à être un acteur clé dans le paysage digital africain, en proposant des perspectives fraîches et authentiques qui reflètent la diversité et la richesse de notre continent.
Les succès de Season Media à ce jour incluent ce projet avec le BIR, des documentaires sociaux, et l’organisation des événements de tout genre avec des organismes et entreprises nationales ou internationales.
Notre succès repose aussi sur l’ensemble des partenariats avec des gros de l’industrie comme Accent Media, Canal 2, PRC TV et la participation aux projets “ Woman King” et “RAMSES” grâce à notre partenariat avec l’agence Eventify. Notre succès repose aussi sur la qualité de nos contenus et de nos programmes qui ne cesse de fidéliser un audimat sans cesse grandissant.
Nous avons su marquer notre territoire en proposant des contenus innovants et pertinents, ce qui nous a permis de nous distinguer dans un paysage médiatique de plus en plus compétitif. Notre capacité à nouer des partenariats stratégiques, avec des acteurs majeurs du secteur, a été cruciale pour notre croissance et notre crédibilité.
De plus, notre engagement envers l’excellence et la créativité nous a permis de bâtir une réputation solide et d’attirer un public fidèle.
Nous continuons d’explorer de nouvelles avenues, que ce soit à travers des productions originales ou des collaborations internationales, afin de renforcer notre position sur le marché. Notre vision est de devenir une référence incontournable dans le domaine des médias numériques en Afrique, tout en restant fidèles à nos valeurs de qualité, de diversité et d’impact social.
En regardant vers l’avenir, nous sommes déterminés à poursuivre notre mission d’informer, d’inspirer et de connecter les gens à travers des histoires puissantes et authentiques.
Revenons sur la série documentaire que vous avez réalisée avec le Bataillon d’Intervention Rapide (BIR). D’emblée, pouvez-vous nous briefer sur le concept ?
La série documentaire “Au cœur du BIR” explore cinq zones de conflit à travers sept films documentaires, les plus courts durant 55 minutes. Cette série propose une immersion dans cette élite militaire, au sein de différents bataillons, sur plusieurs champs de bataille et en zones de conflit. Nous avons travaillé avec cette élite pour comprendre les conflits, les souffrances dans certaines régions et les raisons pour lesquelles certains conflits persistent.
Nous avons consacré beaucoup d’efforts pour produire un contenu de qualité et détaillé, allant à la rencontre des populations, des autorités militaires, ainsi que des autorités locales et traditionnelles, afin de recueillir leurs perspectives. Les résultats de ces échanges se trouvent dans ces documentaires.
Quelles ont été vos motivations pour réaliser un projet aussi ambitieux et risqué ?
Ma motivation a été de m’éloigner du journalisme classique et d’explorer le journalisme d’investigation dit de guerre. C’était également une occasion de faire quelque chose de différent en tant que femme, d’apporter ma touche au paysage audiovisuel à travers ces films.
Je suis la seule femme à avoir été en zone de crise, à avoir passé plusieurs jours aux côtés des militaires, à enquêter et à comprendre les conflits. Toutes ces raisons m’ont poussée à réaliser et concevoir ces documentaires. À ce jour, cinq films sont prêts et d’autres suivront bientôt.
Vous pouvez les retrouver sur notre application Season Media, disponible sur Play Store ou App Store, ou sur certaines chaînes locales qui ont acquis ces contenus et les diffusent. J’ai dirigé des projets d’investigation, au risque de ma vie et celle de mon équipe aux cotés des hommes du BIR (Bataillon d’intervention rapide), révélant la face cachée de cette unité d’élite mais aussi une nouvelle dimension du journalisme.
L’avant-première de mai 2024 qui portait sur la diffusion documentaire de deux films de la série “au cœur du BIR” a contribué à accroître considérablement ma notoriété et celle de mon entreprise au Cameroun. Je pense qu’à ce jour, c’est la plus belle expérience de ma vie et de ma carrière. Je suis à la quête de nouvelles opportunités de ce genre qui m’enrichissent et me permette de me surpasser.
Quels défis avez-vous rencontrés en tant que femme lors de la réalisation de la série documentaire “Au cœur du BIR”, et quelles leçons en avez-vous tirées ? On imagine que vos nuits étaient courtes…
Au départ, j’éprouvais beaucoup d’appréhension, étant la seule femme présente dans tous ces camps. Cette période a été marquée par de nombreux sacrifices, car j’étais rarement chez moi, loin des miens. Chaque mois, je devais partir pour de longs séjours, mettant ma vie et celle de mon équipe en péril.
Cependant, cela m’a permis de tisser des liens solides avec certains membres de mon équipe qui ont participé aux tournages. En parallèle, nous avons appris à nous connaître et à découvrir nos capacités respectives.
Les leçons les plus précieuses que j’ai retenues sont que notre paix repose sur les sacrifices des militaires. Nous vivons en sécurité dans les grandes villes grâce à ceux qui se battent pour protéger nos frontières, pour préserver la paix et l’unité nationale. De plus, j’ai eu l’opportunité de mieux connaître les profondeurs de mon pays.
J’ai rencontré des gens et certaines scènes de tournage m’ont profondément émue, en constatant la précarité de vie de certaines personnes, surtout des femmes et des enfants, dans certaines régions. Il est touchant de réaliser à quel point les conflits ont déchiré des communautés, des vies, et des familles.
J’ai également compris l’importance de respecter les militaires, ces hommes en uniforme, car ils sont des individus courageux, résilients et forts, qui ont choisi de se sacrifier pour leur nation.
Y a-t-il de nouveaux projets en préparation chez Season Media, et quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
Oui, de nouveaux projets sont en préparation. En tant que start-up, ces initiatives sont essentielles à notre croissance, et nous en avons plusieurs en cours. Je ne vais pas tous les révéler, mais nous travaillons sur d’autres séries documentaires ainsi que sur des émissions inédites que nous dévoilerons progressivement.
Nous avons déjà lancé notre application numérique, ce qui représente une belle réussite après un an et demi d’activité. Notre audience fidélisée continue de croître. De plus, nous avons établi des partenariats avec d’importantes entreprises locales qui sponsorisent ou achètent nos émissions.
Bien que nous ne soyons pas sur le câble, certaines chaînes locales diffusent nos films et émissions, ce qui augmente notre visibilité. Petit à petit, l’oiseau fait son nid.
Selon vous, est-il plus facile pour une femme de réussir en tant qu’entrepreneur au Cameroun, et quels conseils donneriez-vous aux femmes qui aspirent à se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Non, il n’est pas plus facile pour une femme de réussir au Cameroun en tant qu’entrepreneur. Ce sont des excuses de paresseux et c’est une idée erronée. Le succès d’un individu ne dépend pas de son genre, mais de son intégrité, des valeurs qu’il incarne, de sa détermination à atteindre ses objectifs et de sa vision.
La réussite ne se mesure pas à la beauté ou à l’apparence. Il est essentiel de changer cette mentalité, car elle nuit à la jeunesse et au peuple camerounais. C’est source d’appauvrissement ; pas financier mais moral.
Une femme qui réussit au Cameroun le fait parce qu’elle a su se donner les moyens d’y parvenir et parce qu’elle offre une perspective unique, c’est d’ailleurs mon cas. Je ne me considère pas encore comme une réussite, car je suis en plein processus de construction de ce que j’espère être un empire médiatique. *
Tout ce que j’ai accompli jusqu’ici je l’ai obtenu à la sueur de mon front et ça témoigne de mon engagement et de ma persévérance.