Les organisations et majoritairement les entreprises sont la base de l’équilibre du monde financier moderne. Depuis toujours, cet équilibre est menacé par la fraude. A cet égard, tous les acteurs de l’écosystème des organisations, et même en dehors sont concernés.
Partant des actionnaires qui souhaitent sereinement rentabiliser leurs investissements, aux employés dont la rémunération mensuelle pourrait être compromise. En effet, les actions des fraudeurs ont des conséquences pouvant atteindre des proportions très significatives. Les pertes financières qui en découlent peuvent aller des sommes les plus minimes à la faillite pure et simple de l’organisation.
Pour ce dernier cas de figure, plusieurs exemples peuvent être cités ; notamment la faillite d’Enron en 2001 qualifiée par les experts comme la plus grande faillite de l’histoire américaine ou tout récemment la faillite de l’entreprise Wirecard qui a ébranlé le secteur de la finance en Allemagne.
En 2022, le Report to the Nations publié par l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) relevait un montant record de 3,6 milliards de USD de pertes financières déclarées par les organisations, représentant alors près de 5% de leurs revenus annuels. En d’autres termes, cela signifie que chaque année, les organisations perdent en moyenne 5% de leurs revenus du fait d’actes frauduleux.
Il devient alors crucial pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème des organisations de prendre au sérieux la menace et d’agir dans le but de prévenir la fraude, la détecter plus rapidement et enfin, prendre des mesures correctives efficaces.
Dans cet article qui se veut le premier d’une série consacrée au sujet de la fraude en entreprise, nous essaierons de comprendre et catégoriser les fraudes commises en entreprise puis, une incursion dans la tête des fraudeurs.
La fraude, qu’est-ce que c’est ?
La terminologie employée pour définir la fraude varie fortement selon le domaine concerné (politique, santé, management des organisations…). De façon générale, le dictionnaire La Rousse définit la fraude comme « un acte malhonnête fait dans l'intention de tromper en contrevenant à la loi ou aux règlements ». Cette définition est reprise et contextualisée par de nombreux organismes regroupant les professionnels d’entreprises à travers le monde notamment :
L’Institut des Auditeurs Internes (IAI), qui définit la fraude comme « tout acte illégal caractérisé par la tromperie, la dissimulation ou la violation de la confiance sans qu’il n’y ait eu violence ou menace de violence » ;
L’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE), pour qui la fraude « est l’utilisation par une personne de son activité professionnelle pour s’enrichir personnellement par le détournement volontaire des ressources ou des actifs de son employeur ».
Nous pouvons ainsi retenir que, la fraude commise au sein d’une entreprise se définit comme
un acte volontaire et intensionnel posé par un acteur de l’organisation (employés, dirigeants…) parfois avec la complicité d’acteurs extérieurs (fournisseurs, conseils…) ; dans le but d’obtenir malhonnêtement un avantage personnel par l’utilisation des ressources de l’organisation.
[button link=”https://projecteurmagazine.cm/ameh-cletus-azah-driving-top-performance-in-compliance-for-elite-companies/” color=”black”] Lire aussi [/button] : ameh-cletus-azah-driving-top-performance-in-compliance-for-elite-companies
L’arbre de la fraude
Savoir catégoriser les différents schémas (stratagèmes utilisés par le fraudeur) de fraude est un élément essentiel dans toute démarche de prévention et de détection de la fraude. L’ACFE distingue ainsi trois grandes catégories de fraudes commises au sein de l’entreprise et les regroupe sous l’appellation de l’« arbre de la fraude ». Ainsi, on distingue :
La corruption qui se manifeste à travers les pots de vin, les rétrocommissions, la manipulation des appels d’offres, les conflits d’intérêt, l’extorsion économique…
Les détournements d’actifs qui s’opèrent à travers les vols des espèces en caisse, la falsification des chèques, le détournement des recettes avant leur encaissement, le double paiement des dépenses, les abus des biens de l’organisation, les vols de stocks …
La manipulation des états financiers qui s’opère principalement par les mécanismes de surévaluation de l’actif net / bénéfice net de l’organisation à travers les décalages temporels des produits et des charges et de sous-évaluation de l’actif net / du bénéfice net à travers les décalages temporels des produits et des charges.
Selon le Report to the Nations 2022 de l’ACFE, les détournements d’actifs constituent les schémas les plus fréquemment utilisés par les fraudeurs mais dont le niveau de perte moyenne pour les organisations est relativement faible. A l’opposée, la manipulation des états financiers qui, en nombre de cas détectés et investigués est relativement faible présente les pertes financières les plus élevées pour l’organisation.
Pourquoi les fraudeurs commentent-ils la fraude ?
‘’
La pression est le premier facteur qui pousserait le fraudeur à imaginer des scénarii devant lui permettre de faire face à la situation difficile à laquelle il fait face
Les motivations des fraudeurs sont très complexes et difficiles à cerner car variant d’une personne à l’autre ou d’un environnement à l’autre. Le Dr Donald Ray Cressey a conçu un cadre qui permet de tenter une incursion dans la pensée du fraudeur et ainsi, de comprendre son raisonnement au moment où il planifie son action. Ce cadre est connu sous l’appellation de « Triangle de la fraude ». Le triangle de la fraude propose une analyse de la motivation des fraudeurs via 3 facteurs :
La pression : elle peut être aussi bien professionnelle (attentes élevées envers les employés, indexation des primes et autres éléments de la rémunération sur des objectifs difficiles à atteindre, retard de paiements des salaires des employés, niveau de salaire disproportionné avec la charge de travail …), que personnelle (augmentation du coût de la vie impactant le vécu des employés, situation de chômage du conjoint de l’employé induisant une augmentation de ses charges, amour pour les jeux de hasards et paris sportifs, goût poussé pour un train de vie élevé…). La pression qui est le premier facteur serait l’élément déclencheur qui pousserait le fraudeur à imaginer des scénarii devant lui permettre de faire face à la situation difficile à laquelle il fait face.
L’opportunité : face à la pression que le fraudeur subirait, il chercherait des opportunités qui sont en réalité des défaillances du système de contrôle de l’organisation dans lequel il évolue afin de passer à l’action (inexistence de procédures formalisées, absence de séparation des tâches, proximité avec les fournisseurs, inexistence d’organe de contrôle…)
La rationalisation : elle constitue le dernier élément qui donne au fraudeur le confort moral au moment de passer à l’action. Le fraudeur ne se considère pas en général comme un criminel et trouve des éléments pour justifier moralement son acte (je rendrai l’argent plus tard, je me fais justice à cause des retards de paiements de mon salaire, l’argent que je fais entrer dans l’entreprise est très supérieur au salaire qu’il me paie et donc en faisant ceci je régularise juste la situation…).
Quels enseignements tirer du triangle de la fraude ?
‘’
l’organisation devrait élaborer une culture d’entreprise autour des règles éthiques communiquées régulièrement au personnel assorti de sanctions pour les contrevenants
A la lecture du triangle de la fraude, nous pouvons retenir que les motivations des fraudeurs sont diverses et tirent leurs sources aussi bien au sein de l’environnement de travail de ceux-ci mais aussi et surtout relèvent des aspects de leur vie privée.
Chaque organisation souhaitant se prémunir du risque de fraude, devrait dans un strict minimum veiller à définir des objectifs SMART, disposer d’une politique de rémunération efficace, mettre en place un dispositif de contrôle interne efficace revue périodiquement par une équipe de contrôleur dédiée, mettre en place des grilles de séparation des tâches revue périodiquement, mettre en place un dispositif de d’alerte et signalement…
Last but not least, l’organisation devrait élaborer une culture d’entreprise autour des règles éthiques communiquées régulièrement au personnel assorti de sanctions pour les contrevenants.