« La gastronomie africaine en Europe commence à avoir une place très ténue… mais il manque beaucoup de références écrites » David BOZEC

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juillet 26, 2023

Ces dernières années, on assiste à une montée de la cuisine africaine sur la scène européenne et les chefs cuisiniers avertis s’accordent à dire que les saveurs africaines sont bel et bien parties à la conquête du monde. À Paris comme ailleurs, les restaurants africains se démarquent et attirent un grand nombre d’adeptes.

Pour comprendre les raisons de ce succès, nous sommes allés à la rencontre de David BOZEC, chef cuisinier français & Eminent amateur des arts de la table. David BOZEC a baigné dès l’enfance dans l’univers culinaire et se passionne depuis 10 ans pour la cuisine africaine.

 

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a poussé à vous intéresser à la cuisine africaine il y a 10ans ?

 

Je suis David BOZEC chef cuisinier consultant-formateur. Originaire du Cantal, un petit village dans la région Rhône Alpes Auvergne en France. Né d’un père boucher et d’une mère aimant cuisiner. Je viens d’une famille où la cuisine est un don et un héritage.

Grandissant à côté d’un potager où était cultivé plusieurs variétés de plantes et d’herbes, dès l’âge de 6 ans, je suis déjà passionné de cuisine, de pâtisserie. Et c’est à ce moment-là que je décide d’en faire mon métier. Encouragé par mes parents, j’ai suivi un cursus en restauration.

Pour moi la cuisine africaine, c’est l’art de marier la cuisine et les épices, j’ai appris comment se mettre aux épices et comment les utiliser au quotidien. Les épices permettent de mettre en lumière la face cachée des mets. Les épices permettent une cuisine moins grasse, moins salée et riches en bienfaits, ainsi de redécouvrir des aliments simples.

Avant d’être bon au palais, il faut que cela soit sain pour l’organisme. Les épices ça se mélange. Lorsqu’on utilise des épices, c’est généralement pour suivre une recette trouvée dans un livre de cuisine du monde, ou pour saupoudrer timidement une préparation (du cumin sur des carottes ou du curcuma sur des pommes de terre, par exemple).

Pourtant pour moi, les épices n’ont d’intérêt que si elles sont mélangées : « prenez le ras el-Hanout ou le garam masala, dans les pays qui les cuisinent au quotidien, ce sont des épices associées à d’autres ».

En Inde, curry signifie d’ailleurs littéralement mélange d’épices en langue tamil. Comme pour un parfum, il faut trouver les associations qui nous plaisent. Les épices ne s’utilisent pas au même moment de la cuisson, selon que l’on mijote, grille ou Snake un ingrédient. La règle d’or ? Ne pas dénaturer celles qui sont fragiles : « il faut veiller à ne pas brûler le produit qui perdrait alors ses qualités gustatives et nutritionnelles ».

 

Quelles sont vos expériences et découvertes dans ce domaine ?

 

Pas besoin de caviar hors de prix pour faire un grand plat. A la table des étoilés, ce qui fait le prix, c’est le savoir-faire des jeunes prodiges des fourneaux, plus que les produits servis. Des produits locaux et de saison, une approche anti-gaspillage, un travail étroit avec les producteurs….Porté par un engagement, la cuisine durable et responsable.

Lors de mes tables éphémères à travers le monde, je propose une cuisine définie par des livraisons quotidiennes. Je propose une cuisine avec des techniques françaises, avec 95 % de produits locaux. Je peux mettre un visage sur chaque légume, fruit ou poisson de pêche durable que je sers sur la table éphémère.

Pour moi, il s’agit plus généralement de mettre le vivant au centre. Cela passe aussi par l’achat d’énergie renouvelable, le tri quotidien de nos bios déchets et la réduction de la viande dans mes menus. Sans oublier le respect des collaborateurs et de leur qualité de vie, ce dont moi je n’ai pas connu à mon époque.

C’est avant tout une dynamique portée par mes équipes qui s’engagent pour avoir un impact positif sur la planète et sur la société. Ces actions se concrétisent, au quotidien, dans leur travail avec mes fournisseurs et leurs salariés. Pas facile, donc, d’établir des critères précis et vérifiables. La Table de David BOZEC, par exemple, propose une « cuisine de l’instant », définie en fonction de ce que lui livrent chaque matin les producteurs.

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On prête encore souvent aux mets du continent des stéréotypes de rondeur et de générosité. Des caractéristiques à mille lieues des codes de la gastronomie telle qu’on l’envisage en Europe, marquée par sa finesse et sa légèreté

 

Ces dernières années, on assiste à une montée en puissance de la cuisine africaine en Europe. Quel est votre avis sur cette évolution et comment l’expliquez-vous ? Quels sont les facteurs clés qui ont contribué à cette popularité croissante ?

 

Me concernant, je vois l’avenir de façon étoilé de la cuisine africaine. Réputée dans l’imaginaire collectif pour sa générosité et la puissance de ses saveurs, la cuisine du berceau de l’humanité taille gentiment sa part dans l’univers gastronomique.

La cuisine africaine a su mettre les petits plats dans les grands pour se développer sur le marché européen. La plupart des épices de cette cuisine ne sont pas méconnues en Europe, mais leur utilisation est différente. On a de très belles surprises en allant manger africain même si pour la plupart des gens, c’est une cuisine mal connue.

On prête encore souvent aux mets du continent des stéréotypes de rondeur et de générosité. Des caractéristiques à mille lieues des codes de la gastronomie telle qu’on l’envisage en Europe, marquée par sa finesse et sa légèreté.

Quand on évoque la cuisine d’Afrique, les gens imaginent une cuisine grasse, ce qui n’est pas forcément le cas. J’essaie parfois de faire découvrir des plats à base de produits plus compatibles avec les palais européens comme l’Attieke.

La gastronomie africaine en Europe commence à avoir une place très ténue. Il existe des restaurants africains typiques, « avec des plats que l’on partage tous ensemble ». Une vision qui s’estompe au fur et à mesure que se développent des restaurants haut de gamme affichant à leur carte des repas aux inspirations venues d’Afrique.

A Paris, moins d’une année après son ouverture, le restaurant du chef français d’origine malienne Mory Sacko, oscillant entre saveurs africaines et japonaises, a obtenu la consécration ultime au guide Michelin en recevant sa première étoile.

 

 

Quels sont les points à améliorer par les promoteurs de restaurants Afro, pour que « le monde entier ait une appétence pour la cuisine africaine » ?

 

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Avant de connaître le succès qui est le sien aujourd’hui, la cuisine asiatique à elle aussi dû se valoriser. Il en va de même pour la cuisine africaine. Il manque beaucoup de références écrites, mais c’est en train d’évolue

 

Nous les chefs du monde entier, nous faisons ce métier : pour valoriser notre culture et notre gastronomie en fonction de nos origines. Il serait important que les promoteurs  essaient  de regrouper, de faire découvrir et de partager vos différentes origines. La cuisine africaine préparée par vos mères et vos grands-mères n’est pas valorisée. Il serait donc important de trouver un équilibre entre les produits exotiques et les produits du terroir de vos pays.

Détailler vos richesses et vos diversités, c’est l’une des clés de promotion de cette culture. « Les différentes manifestations permettent de mettre en lumière cette valorisation afin que votre cuisine ne soit plus perçue comme ethnique. La cuisine africaine est sur la bonne voie.

Avant de connaître le succès qui est le sien aujourd’hui, la cuisine asiatique à elle aussi dû se valoriser. Il en va de même pour la cuisine africaine. Il manque beaucoup de références écrites, mais c’est en train d’évoluer, notamment grâce à cette nouvelle génération issue de la diaspora qui souhaite renouer avec ses racines.»

Les saveurs africaines sont bel et bien parties à la conquête du monde. Les amateurs de bonne chère se frottent déjà la panse !!!

 

On remarque que le poivre de Penja est aujourd’hui, particulièrement apprécié dans les restaurants parisiens. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce succès et sur les caractéristiques distinctives de ce poivre ?

 

Pour ma part, les épices sont des substances extraordinaires, mais il faut les manier avec précaution, et ne pas s’en servir de cache-misère. Elles doivent être choisies avec soin et être fraîches pour délivrer le maximum de leurs valeurs gustatives. Il faut également une bonne origine. Une épice qui a toutes ces qualités sublime des plats assez banals.

C’est le cas d’un bon gingembre dans un pot-au-feu. Le cumin sec peut avoir un goût de paille ; frais, il devient formidable avec des fruits notamment. Une épice qui n’est pas de bonne qualité a un goût bizarre, dénaturé, et manque de sincérité. Une saveur écrabouillée qui part dans tous les sens… un goût de vieux.

Concernant l’épice. C’est grâce à un terroir volcanique naturellement riche et équilibré que le poivre de Penja est exceptionnel par son caractère et sa saveur. Toutes les étapes de production (récolte, rouissage, lavage, séchage, tri) sont entièrement manuelles et principalement réalisées par les mains expertes des femmes du village.

Le poivre de Penja jouit aujourd’hui d’un succès gastronomique mondialement reconnu : c’est l’incontournable du moulin de votre table grâce aux arômes magiques. Le poivre blanc de Penja fait la fierté de Penja. C’est le même fruit récolté à des maturités différentes.

Vert : Récolté avant maturité.  Il a un nez frais et citronné ;

Noir : Récolté avant maturité puis séché.  Il est corsé et piquant ;

Blanc : Cueilli à maturité optimale, lavé, débarrassé de sa pulpe, il révèle tous ses arômes ;

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la cuisine africaine regorge de secrets et de mystères inconnus de certains qui valent la peine d’être partagés

 

Quels autres ingrédients africains recommanderiez-vous aux amateurs de cuisine ?

 

Avant toute chose, je voudrai dire que la cuisine africaine regorge de secrets et de mystères inconnus de certains qui valent la peine d’être partagés. Il serait facile de douter des ingrédients mais la meilleure façon d’entreprendre un voyage culinaire est de goûter à tout ! Il s’agit alors de dépasser les aprioris et découvrir des ingrédients surprenants et délicieux.

Tous les voyageurs culinaires doivent goûter les spécialités existantes et prendre le risque de tenter de nouvelles expériences. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut découvrir les mystères, les secrets et les surprises de la cuisine locale africaine.

La gastronomie africaine représente un patrimoine culinaire monumental ! En effet, la cuisine d’Afrique regroupe une multitude de spécialités. Quel que soit leur pays d’origine, les gourmands de ce vaste continent mettent les merveilleux produits de leur terroir à l’honneur. Grâce à ces recettes africaines, vous pourrez à votre tour sublimer le manioc, les patates douces et les poissons séchés…

 

La formation des jeunes africains aux métiers de bouche représente pour vous, un enjeu important. Pourquoi ?

 

C’est une priorité à mes yeux, la formation de votre jeunesse est extrêmement importante, c’est elle qui représente l’avenir du continent. Il existe depuis quelques années des partenariats mondiaux pour l’éducation ce qui constitue un évènement unique d’accroître la mobilisation et l’aide internationale à l’éducation.

Pour information, la France participe déjà à ce type d’évènements, elle a une expérience singulière dans l’éducation qu’elle souhaite partager. C’est une révolution silencieuse qui est en train de se passer sous nos yeux. L’Afrique est en passe de réussir le défi de l’accès à l’éducation pour tous. La formation de cette jeunesse qui a soif d’insertion et d’émancipation est indispensable à l’essor du continent.

L’école de nos enfants nous concerne tous. D’abord, parce que l’école est un enjeu de société, c’est le fondement de notre futur. La réussite de vos élèves dépend de la cohésion sociale.

Mais je profite de ces quelques lignes pour dire que les défis futurs sont encore colossaux et je tiens à remercier, les différentes communautés éducatives qui font leur maximum chaque jour, c’est notre intérêt commun d’aller encore plus loin pour passer à l’échelle supérieure, au service des élèves et de notre jeunesse.

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Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent se lancer dans une carrière culinaire ?

 

Être bien sûr de vouloir faire ce métier pour les bonnes raisons. Je reçois des appels de personnes qui me demandent conseil pour leurs gosses qui veulent faire une école hôtelière et voici ce que je leur répète toujours : « Votre enfant devrait se trouver un petit boulot en cuisine, même si ce n’est que pour faire la plonge ou servir – histoire de découvrir la réalité de ce métier, l’envers du décor qui paraît si tentant de l’extérieur. »

C’est vraiment cette expérience qui leur permettra de savoir s’ils veulent faire ça de leur vie ou pas du tout. Si l’on a envie de cuisiner pour les autres, si c’est quelque chose qui nous remplit de joie, alors il faut foncer. Et on pourrait effectivement devenir célèbre un jour et encore, rien n’est sûr.

C’est seulement en faisant ce travail pour les bonnes raisons que l’on peut mener une vie heureuse. Si on débute dans ce milieu seulement pour devenir célèbre, ce n’est pas une bonne motivation, et c’est quelque chose qui n’arrivera sans doute jamais.

 

Un dernier mot ?

 

Pour travailler correctement dans un restaurant, il faut acquérir cette « mémoire gustative » pour pouvoir visualiser le goût du plat. Quand tu cuisines dans un grand restaurant, tu cherches à créer une saveur bien précise. Et pour l’obtenir, il faut faire varier la recette tous les jours. Les modifications peuvent être infimes, mais c’est en goûtant qu’on les perçoit et que l’on peut ajuster le goût : tu goûtes, tu rectifies. Tu goûtes, tu rectifies. Tu goûtes, tu rectifies jusqu’à ce que tu obtiennes exactement le goût que tu avais en tête.

Sinon, ton poulet n’aura jamais la même quantité de gras que le même poulet que tu avais fait la veille. Il faut réussir à s’adapter à tous les petits changements pour que ta recette reste toujours la même : une cuisine au gaz plutôt qu’à l’électricité, des ustensiles en cuivre plutôt qu’en aluminium, s’il fait humide ou très sec, si tu es de bonne ou de mauvaise humeur. C’est ce qu’il y a de plus difficile, pour un chef.

 

Propos recueillis par Fabrice Tientcheu, Storyteller en herbe & Promoteur du webzine Projecteur Magazine. Depuis près de 05 ans, Fabrice Tientcheu raconte l’histoire des personnes et des marques qui performent dans leur secteur d’activité ! Pour une éventuelle collaboration, n’hésitez pas à m’écrire sur LinkedIn. Je réponds toujours 😎
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